Réflexion
LE TEMPS DE LA VOTATION
Par: Joffre Grondin
Dans Beauce-Sud, il y a 7 candidats sur le bulletin de vote. « Personne ne pourra dire qu’il n’y a pas assez de choix », a lancé avec candeur et sincérité l’un des candidats récemment.
Dans la démocratie où nous vivons, le peuple s’exprime une fois tous les quatre ans. Dans le système parlementaire de style britannique qui est le nôtre, devinez pourquoi, le pouvoir est à ce point concentré dans le bureau du premier ministre — autant au fédéral qu’au provincial — que celui-ci peut pratiquement faire ce qu’il veut s’il est majoritaire, et ce pour 4 ans. Et ils ne se sont jamais privés de le faire, tous les gouvernements inclus.
Dans ce fantastique système, il peut y avoir 3 000, 30 000 ou 300 000 personnes dans les rues pour contredire le pouvoir, le refuge derrière le « nous avons été démocratiquement élus » semble entièrement suffisant pour tout justifier. La loi, l’ordre établi, la stabilité, nous ne cèderons pas au chantage, non à l’anarchie, le peuple québécois exige… et autres phrases de films de série B, C ou D sont invoqués avec efficacité et à tour de bras comme somnifère pour le mental.
Que ceux qui veulent changer les choses le fassent démocratiquement. Exprimez-vous en votant. Une fois élus, c’est 4 ans de pouvoir. Le parti s’assure évidemment, avec une main de fer, que les députés suivent rigoureusement la ligne de parti. Il faut rester unis, tirer tous dans le même sens, etc.
On voudrait nous faire croire que non seulement c’est le meilleur système, mais que le changer serait une catastrophe. « Vous allez perdre vos pensions ». Il y aurait sûrement des nuées de sauterelles et des grêlons gros comme le poing qui viendraient avec ça.
Allez voter sinon…
Même si le manège se répète depuis fort longtemps, il est de bon ton, d’inciter tous les électeurs à « exercer leur devoir de citoyens », car après tout, ne manque-t-on jamais de mentionner pour mettre le maximum de pression morale, il y a des gens qui meurent pour avoir le droit de voter.
Il ne faut surtout pas révéler que dans ces démocraties encore au pablum où les citoyens s’imaginent que le peuple sera écouté, les boîtes de scrutin arrivent déjà remplies et que les contestations se règlent à coups de carabine sur la foule ou à coups de canon.
On rajoute souvent que « ceux qui n’ont pas voté n’ont aucun droit de critiquer ». Allez dire ça en pleine face au 2 442 887 d’électeurs québécois qui n’ont pas été aux urnes en 2008 : 42.57 %. Ils auraient peut-être été tentés de voter s’il y avait eu un endroit sur le bulletin pour déclarer que « personne ne me convient ». Ou peut-être pas !
Lors des dernières élections provinciales en 2008, 1 366 046 personnes ont voté pour le parti libéral sur un total de 5 738 811 électeurs. Ils ont par contre obtenu 41,44 % du vote exprimé. Ce qui a quand même donné un gouvernement majoritaire se réclamant presque de droit divin, avec 23,8 % du total des électeurs. Ce qui donne 24 personnes sur 100 qui ont décidé. Les 76 autres, qu’y mangent… dans les faits, ça ressemble beaucoup à ça.
Ce ne sont pas les premiers, ce ne seront pas les derniers. Le problème n’est pas dans le parti, mais dans le système lui-même.
L’os
La manie systématique, une fois élu, d’ignorer ce que veut le peuple, en accordant la priorité à ceux qui font de l’argent sur le dos dudit peuple, tout en négligeant toute planification à long terme est arrivée à terme.
Nombreux sont ceux qui ne veulent même pas imaginer une autre façon de fonctionner, car l’ordre établi les favorise. La passe des « p’tits amis ». Le bouillonnement social qui a eu lieu lors du printemps érable est le précurseur des temps à venir. À venir à très court terme.
On ne peut arrêter l’histoire en marche.
« La jeunesse, c’est l’avenir. Il est très imprudent de se mettre l’avenir à dos » Stéphane Fréchette, dit Biz, de Loco Locass dans le très récent livre de Jacques Nadeau, Carré rouge, aux éditions Fides, préfacé par Jacques Parizeau, dont vous avez peut-être entendu parler. Il est propriétaire d’un vignoble en France.
Ah! oui, il est économiste et il a aussi été premier ministre du Québec. Sa pensée est encore d’une rafraichissante clarté.