«Les amis de la chanson» en concert

Par : Joffre Grondin
C’était un joli concert dans la douceur du printemps. Si vous ne connaissez pas le groupe de personnes portant ce nom, sachez que ce ne sont pas des professionnels, mais chaque membre possède plusieurs décennies d’immersion dans la chanson. Appelons ça des amateurs de grande expérience. Le dimanche 7 mai dernier, «Les amis de la chanson» donnaient un deuxième concert à l’église de Saint-Joseph, dont les mélodies étaient très largement tirées d’un répertoire francophone familier qu’on aime toujours entendre
Avouons tout de suite que c’était une prestation extrêmement agréable à laquelle assister. Il s’agissait d’observer la salle pour le constater.
Sur les trois douzaines de chansons, la moitié présentait un ou une soliste.
Trop? Pas du tout. Car le chœur avait toujours une place importante; le ou la soliste était en avant bien sûr, mais servait également à compléter la prestation du groupe.

D’ailleurs, en examinant le programme, on voit que chaque chanson était une valeur sûre. Et ce, dès le départ. Jean Lapointe nous a récemment quittés, mais «Si on chantait ensemble» restera pour longtemps. Bien campé devant le micro, c’est Gaétan Lessard qui a assuré le coup d’envoi.
On constate que plusieurs des choix ont fait le tour de la francophonie depuis longtemps : nombreux sont ceux qui ont repris «Sous le ciel de Paris», après Édith Piaf en 1954, et Yves Montand en 1964; «Mon manège à moi» de ce dernier est toujours un classique; «Beer Barrel Polka» un succès instrumental en 1934 a été repris en 1939 aux États-Unis par le trio The Andrews Sisters sous le titre «Here comes the Navy» qui en a fait l’hymne non officiel de la marine.
Le «Que sera sera» de Doris Day (1956) est inoubliable.
Qui ne connait pas le gros succès napolitain de 1880 qu’on n’a pas cessé de fredonner, «Funiculi Funicula». Ce qu’on connait moins est que la chanson a été écrite pour commémorer l’inauguration du funiculaire du mont Vésuve, en Italie.

Côté chœur complété par soliste
Incursions réussies dans les classiques québécois, Normand Vachon expose son Dubois avec «Si Dieu existe», suivi peu après d’un autre, «J’ai souvenir encore», cette fois par Roger Longchamps. C’est Jean-Guy-Breton qui livre le Bozo de Félix avec la pointe de nostalgie requise pour ce «pauvre Bozo pleurant sur son radeau».

La chanson de Jean-Paul Cara qui avait gagné l’Eurovision pour la France en 1977 a été reprise en 2016 par un groupe d’enfants, Kids United. On a en fait un clip pour l’Unicef. C’est Lucille Pelletier qui reprend «L’oiseau et l’enfant»; manifestement parfaitement dans son registre, car elle rend très bien cette magnifique mélodie.

Pour terminer la première partie, c’est Brigitte Poulin qui interprète «C’est beau la vie» de Jean Ferrat; sa très belle dernière note flottera dans l’église pendant la pause.
Une mention spéciale revient à Nicole St-Hilaire pour cet Alleluia. Même si on ne connaît pas la chanson, on réalise tout de suite que «ça pédale dans les paroles», mais que cette walkyrie de la note réussit à chevaucher toutes les paroles avec brio. Impressionnant!

N’oublions pas le duo. «You Raise Me Up», La terre où je suis né a été faite de plusieurs façons, dont Alain Morisod. «Les amis de la chanson» ont choisi un duo alto et basse, Sylvie et Raynald Lachance. Une très belle voix de basse qui s’harmonise naturellement à l’alto féminin. Si ce n’est pas un couple dans la vie, ça lui ressemble beaucoup.

C’est avec la chanson d’Aznavour qu’une étrange chose s’est passée. On sait que «Hier encore» est mélancolique, et parle d’erreurs de jeunesse qui ont fait perdre du temps à l’auteur. Ayant oublié d’écouter les paroles, la voix presque céleste de Renée Berberi aurait retourné le temps de la chanson, laissé le passé pour l’avenir, et laissé l’impression d’un futur heureux. Magie!
Amsterdam
Le chœur oscille autour des trois douzaines de voix, ce qui n’est pas énorme, mais les sections soprano, alto, ténor et basse sont très bien balancées. La direction ayant de toute évidence le goût et la perspicacité de choisir des œuvres maîtrisables par ses membres, le résultat qui s’ensuit : de très belles prestations, bien rendues, aux voix bien fondues.
Amsterdam et Jacques Brel dans tout ça? C’était le petit moment magique. Au début de la pièce, ce sont les hommes seuls qui commencent. Il arrive — mais pas souvent — que les étoiles soient alignées, les voix synchronisées, les esprits sur la même longueur d’onde et pour quelques secondes tout est comme parfait. Ce début de chanson l’était.

Il faut absolument souligner le travail de la pianiste Lise Bourque, qui a mis toutes les bonnes notes à la bonne place dans le bon temps comme si c’était très facile, et la justesse de jeu de la violoniste Hélène Therrien. C’est donc beau quand c’est juste.

La directrice musicale Normande Labbé tenait la barre avec précision. C’est une fonction qui est l’âme d’une chorale, il ne faut pas l’oublier.
