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« En 1690 : l’expédition de Portneuf traversait la Beauce »

Paul-André Busque à l’époque où il enseignait l’histoire dans les années 70 et en 2016 à l’ouverture du tronçon de 88 km de la A-73. 

Par : Paul-André Busque, collaboration spéciale

À peu près tous les Beaucerons connaissent l’existence des deux passages éclair du père Druillettes en Beauce vers 1650 et celui d’Arnold à l’automne 1775. Moins connu est celui entre les deux, celui de René de Portneuf en 1690. Rappelons-le avec ceci.

Le 10 mars 1970, le beauceron Paul-André Busque, alors jeune enseignant en histoire, mais déjà très impliqué dans son milieu, écrivait cet article dans un journal de l’époque, Beauce Nouvelle. 

Mais tout d’abord, un très court mot sur la vie très active de l’auteur. Notons qu’entre autres activités, Paul-André Busque prendra part à la fondation du Conseil de Développement de la Chaudière, en occupera la présidence pendant un terme; il oeuvrera avec le père Antonio Poulin sur le dossier de l’autoroute. 

En 1976-77 il sera idéateur et recherchiste pour la production des 39 épisodes de « Mon pays c’est la Beauce » à la télévision.

Paul-André Busque signe le contrat de la 2e saison de « Mon pays c’est la Beauce en 1977 ».

Nous avons joint l’auteur, et plus d’un demi-siècle plus tard, avec sa permission, nous republions l’article intégral, auquel il n’y a que trois chiffres à adapter. Au lieu de « Il y a 280 ans… », maintenant c’est : « Il y a 332 ans… » Tempus fugit comme ils disent. 

« En 1690 : l’expédition de Portneuf traversait la Beauce »

Par : Paul-André Busque 

Il y a 280 ans, soit 84 ans avant le passage des troupes d’Arnold dans la Beauce : une expédition sous le commandement de René de Portneuf se rendait attaquer le village américain de Casco (aujourd’hui Portland, Maine). Pourquoi? Signalons d’abord que Denonville, gouverneur de la Nouvelle-France, accusait les Anglais d’empêcher les Iroquois de faire le commerce des fourrures avec les Français et d’inciter les Iroquois à attaquer les Français. 

Dongan, gouverneur de New York, fournissait des armes aux Iroquois : le maire d’Albany reçoit ordre du Conseil de New York de présenter : « à chacune des Cinq Nations un baril de poudre à être employée contre nos ennemis et les leurs ».  

Et les Iroquois attaquent le village de Lachine en 1689 tuant une vingtaine de personnes et faisant le double comme prisonniers.

Denonville étant destitué de ses fonctions, Louis XIV le remplace par Frontenac. 

Ce dernier voulant la paix avec les Iroquois et donner une leçon aux Anglais ordonne l’attaque de trois villages américains : Corlar (aujourd’hui Schenectady, New York) Salmon Falls (aujourd’hui Portsmouth, New Hampshire) et Casco. 

On peut dire que les Canadiens avaient un sentiment vindicatif à l’égard des colons de la Nouvelle-Angleterre puisque la population de la Nouvelle-France était inférieure à 15 000 h et que la seule ville de New York comptait au-delà de 18 000 h. On dénombrait plus de 200 000 âmes en Nouvelle-Angleterre. Les administrateurs français tenaient responsables les Anglo-américains du massacre de Lachine. 

Parmi les coureurs de bois, Frontenac avait sélectionné les meilleurs hommes pour ces trois expéditions contre la Nouvelle-Angleterre. 

La première sous la direction d’Ailleboust de Manthet et de Saint-Hélène frère de Le Moyne d’Iberville attaqua Corlar le 18 février. Cette expédition composée d’une centaine de Français et d’autant d’Indiens entraîna la mort de 60 Anglais dans la destruction du village de Corlar. 

La seconde attaque, sous le commandement de Français Hertel, comprenait 27 Français et 25 sauvages. De Trois-Rivières, le groupe se rendit incendier 27 maisons à Salmon Falls, tuèrent 34 personnes et 2 000 têtes de bétail. (1) 

Enfin la troisième expédition, la plus importante, devait s’emparer de Casco. Portneuf était à la tête des 50 Français et des 60 Abénaquis qui partirent de Québec le 28 janvier 1690 en empruntant la Rivière Chaudière. Par la suite ils furent rejoints par deux groupes d’Abénaquis, et plus tard par le groupe de Hertel. 

Âgé d’une trentaine d’années, René de Portneuf était le fils de Robineau de Bécancour, commerçant de pelleteries. Baron, il semble avoir négligé ses fonctions et possessions, car au recensement de 1681 on indique que sa baronnie ne possédait que deux censitaires. S’occupant de la traite plutôt que de leurs terres, René de Portneuf et deux de ses frères trafiquaient avec les marchands de Boston. À eux seuls, Villebon, des Îles, et Portneuf monopolisaient la traite des fourrures en Acadie. 

Cependant, ils n’hésitaient pas à se battre contre les Anglais s’ils en recevaient l’ordre du gouverneur. Toutefois, signalons que leur conduite n’était pas des plus vertueuses : « Les Robineau faisaient le scandale de toute l’Acadie, que la conduite de M. de Portneuf avec les sauvagesses était affreuse, que les seigneurs et les habitants étaient indignés » (2). 

Portneuf ayant été élevé comme soldat désirait accomplir une action militaire éclatante en vue d’affermir la puissance des Robineau. L’occasion se présenta : Frontenac lui donna ordre de former « un parti » et d’aller attaquer la colonie anglaise, plus précisément Casco. 

Les Anglais s’imaginaient mal que des Canadiens français soient capables de parcourir en plein hiver des distances considérables. C’est ainsi que Portneuf traversa la Beauce en suivant le cours de la Chaudière. Il s’agissait sans aucun doute du premier contingent qui traversa notre région en empruntant la Chaudière. 

Voici de quelle façon on relate l’événement dans les annales de notre histoire : « Deux mois de marches forcées à travers les forêts encombrées de neige, campant à la belle étoile, se nourrissant de gibier abattu en cours de route. » (3) 

Quatre mois après le départ, soit le 25 mai, quelle surprise pour les colons anglais de Casco de voir surgir quatre ou cinq cents hommes devant le Fort Loyal. 

Trente hommes du fort tentèrent de repousser les envahisseurs qu’on prenait d’abord pour des Indiens maraudeurs en raison de leur habillement. Ils furent massacrés à l’exception de quatre qui s’échappèrent et réintégrèrent le fort. 

Portneuf entreprit alors le siège et creusa des tranchées jusqu’aux murs de la petite forteresse garnie de quelques canons et défendue par une centaine d’hommes. 

Au bout de trois jours, au moment où Portneuf s’apprêtait à mettre le feu aux palissades, la petite garnison capitula : le commandant Sylvanus Davis ayant fait promettre aux Français la vie sauve à ceux qui se rendraient.

Malheureusement, les sauvages se jetèrent sur les vainqueurs sans défense et en massacrèrent plusieurs. Il semble que les Canadiens furent incapables de les contenir; les autres furent faits prisonniers. Avant de prendre le chemin du retour, les hommes de Portneuf brûlèrent le fort et les maisons abandonnées dans un rayon de 6 milles. 

Les Canadiens arrivèrent à Québec le 23 juin. Le Comte de Frontenac prit Portneuf comme aide de camp : il devait mourir en 1726, commandant du Fort Chambly. 

Ces raids semèrent la panique chez les colons de la Nouvelle-Angleterre, ce qui entraîna la riposte anglaise alors que les troupes de Phipps s’emparent de Port Royal en Acadie et sont repoussées devant Québec.

BIBLIOGRAPHIE : 

(1) « D’IBERVILLE ET LA CONQUÊTE DE LA NOUVELLE-FRANCE » par L.O. David, Collection Montcalm. 1926 

(2) « NOTES SUR LE CANADA » Paul Cazes. 1882 

(3) « BORÉAL EXPRESS » 1690 

« LES CANADIENS D’AUTREFOIS » par Robert Roquebrune. Fides 1962. « HISTOIRE DU CANADA » 1663-1713, par Gustave Lanctôt. Beauchemin 1963, 

« FRONTENAC » W.J. Eccles 1962.

« NEUVE-FRANCE » Tome 1524-1763. Édition Pélican 1959. 

« FRONTENAC À SEIGNELAY » 1689 

« RELATIONS MONSEIGNAIS » Col. Manuscrits.1   

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