Le fabuleux développement durable
Par: Joffre Grondin

Tous les propriétaires boivent l’eau de ce petit lac depuis des générations. Est-ce que leurs enfants pourront faire de même ? Avec la pollution qui a l’air plus durable que le développement, pas sûr !
Le projet de loi no 118, intitulé Loi sur le développement durable a été adoptée le 13 avril 2006 par la 37e législature du Québec, sous le gouvernement majoritaire de Jean Charest. Dans les notes explicatives, on peut lire que « le “développement durable” s’entend d’un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement. »
C’est la définition québécoise de la notion de développement durable.
Origine du concept
Sur le site du ministère du Développement durable, Environnement et Lutte contre les changements climatiques on précise que l’expression sustainable development, traduite de l’anglais par « développement durable », apparaît pour la première fois en 1980 dans la Stratégie mondiale de la conservation, une publication de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Quelques années plus tard, elle se répandra dans la foulée de la publication, en 1987, du rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à tous (aussi appelé rapport Brundtland). C’est de ce rapport qu’est extraite la définition citée plus haut.
On peut trouver ici le cheminement du Québec de 1968 à 2013 dans le dossier du développement durable : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/developpement/voie.htm#1984
Objectifs du développement durable selon le ministère
« Repenser les rapports qu’entretiennent les êtres humains entre eux et avec la nature est une aspiration que partage un nombre grandissant de femmes et d’hommes. Ils posent un regard critique sur un mode de développement qui, trop souvent, porte atteinte à l’environnement et relègue la majorité de l’humanité dans la pauvreté. Le développement durable est issu de cette idée que tout ne peut pas continuer comme avant, qu’il faut remédier aux insuffisances d’un modèle de développement axé sur la seule croissance économique en reconsidérant nos façons de faire, compte tenu de nouvelles priorités. Il faut donc :
— Maintenir l’intégrité de l’environnement pour assurer la santé et la sécurité des communautés humaines et préserver les écosystèmes qui entretiennent la vie;
— Assurer l’équité sociale pour permettre le plein épanouissement de toutes les femmes et de tous les hommes, l’essor des communautés et le respect de la diversité;
— Viser l’efficience économique pour créer une économie innovante et prospère, écologiquement et socialement responsable. »
Théorie et pratique
Ce sont de nobles mots, comme quelqu’un l’a déjà dit dans un vieux film, mais la réalité correspond-elle à ces belles intentions ? Voyons quelques cas.
Des pesticides en Arctique.
Jean-Pierre Gagné, professeur à l’Université du Québec à Rimouski a récemment entamé un projet de recherche sur les impacts de l’usage des pesticides à grande échelle au Canada et aux États-Unis. Certains sont utilisés depuis des dizaines d’années. Ces pesticides, dont les chlorotriazines, qui font partie des groupes les plus vendus au Québec. Ils sont peu efficaces, soutient M. Gagné, car ils sont très volatils. Ils s’évaporent, se condensent dans l’atmosphère, et sont transportés par les vents jusqu’en Arctique.
On se souvient que la Loi sur le développement durable a été adoptée en 2006. Entre 2006 et 2012, la quantité de pesticides vendue aux agriculteurs québécois a augmenté de 27 %. On peut retrouver l’article sur le site du Devoir du 12 et 13 décembre 2015, http://bit.ly/1ILyj7C
… « prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement. » Ah ! oui !
De l’eau potable ? Est-ce vraiment nécessaire ?
Fin novembre 2015, on apprenait, dans Le Devoir du 23 novembre 2015, qu’en 5 ans, le lac Saint-Charles, principale source d’eau potable pour la ville de Québec, aurait pris l’équivalent de 25 ans d’âge, accompagné de 40 % d’augmentation plantes aquatiques. Cette dégradation accélérée serait due à la pollution des sels de déglaçage de la route, de la déforestation et de l’étalement urbain, en clair, la prolifération de développements immobiliers.
Qualité de l’eau gravement détériorée.
Mentionnons en passant que la ville de New York et ses neuf millions d’habitants ont compris il y a longtemps l’importance des sources d’eau potable et protègent rigoureusement le bassin versant des Catskills pour avoir une eau de qualité.
C’est comme ça quand on « prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement. »
Les pétrolières savaient depuis très longtemps
Les résultats sont sortis en septembre et octobre 2015. Après 8 mois d’enquête, l’organisation à but non lucratif gagnante du prix Pulitzer, Inside Climate News a découvert que dès le début des années 80, la compagnie Exxon avait fait des études poussées sur le climat et les gaz à effets de serre avec des modèles climatiques précis pour ensuite tout nier en public, même se moquer de ces modèles, et soutenir et encourager financièrement le point de vue négationniste, en créant avec d’autres pétrolières la Global Climate Coalition qui s’employait à discréditer les accords comme celui de Kyoto.
Les dirigeants savaient, et l’augmentation des températures était prévue avec beaucoup de précision. On peut consulter les documents du rapport sur le site de l’organisation et acheter un livre en ligne EXXON : THE ROAD NOT TAKEN, pour moins d’un dollar. Ça donne froid dans le dos. http://insideclimatenews.org/content/Exxon-The-Road-Not-Taken
Quand on lit de belles phrases dans le genre « dans un souci de conservation et de protection des composantes du milieu naturel », on peut se demander si la Loi que nous avons depuis 2006 est vraiment prise au sérieux. Il y a un nouveau pipeline en service au Québec. Quand il y aura un déversement, est-ce que la « vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement » suffira ?
Combien de larmes et de Mégantics faudra-t-il pour que les bottines suivent les babines ?
Références :
Le développement durable : une mode, un mode ou un virage collectif ?
http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/developpement/definition.htm#definition
Vous pouvez même lire la loi ici : Loi sur le développement durable