Captain William Schultz (1885-1966)
Par André Garant
Loin de la Beauce, des Italiens et des Américains venaient en tournée de petits cirques ou de simples amusements. Avant 1950, il y avait bien un Italien à la jambe coupée qui trimbalait sa Merry-go-Round de paroisses en paroisses beauceronnes. Ensuite, le calme plat. Quelqu’un allait prendre le relai : Florian Vallée
La Plage Vallée de Saint-Benoît-Labre, en Beauce, ouvre en 1938. Lieu de villégiature et bientôt de la lutte, des vedettes de la chanson, une glissoire d’eau, un tremplin, de la pêche, des chaloupes à rames à dix cennes de l’heure… ! Bientôt, Florian Vallée (1916-2003) promène ses trois premiers petits manèges. Le 21 octobre 1950, marié à l’institutrice Cécile Binet, fille de Gustave Binet (1891-1988), le jeune couple complète quelque peu leur divertissement familial jusqu’à la fondation officielle de Beauce Carnaval en 1953.
Or, de 1945 à 1950, Florian Vallée, surnommé plus tard le marchand de bonheur, aura pris une expérience additionnelle auprès d’un authentique gars de cirque venu d’Europe, le Captain William Schultz (1885-1966) et ses animaux savants. Une autre expertise de cinq ans sur le terrain pour Florian Vallée. Schultz demeure une étape importante dans la carrière de Florian Vallée. Après trois ans d’absence en Beauce, le 25 septembre 1949, Schultz présente son spectacle à la Plage Vallée. Selon un journaliste de L’Éclaireur :« Il présente un véritable zoo ambulant, comportant de passionnantes leçons de choses pour les jeunes et vieux.» Le 14 octobre 1949, il offre son spectacle au Théâtre Royal de Saint-Georges-Ouest.
Au Lac Poulin de Saint-Benoît, Hormidas Vallée (1887-1976) et son fils Florian Vallée (1916-2003) construisent sur pilotis une bâtisse de 100 pieds de longueur par 60 de largeur. La Plage Vallée est née. Mille spectateurs pourront crier leur enthousiasme de chaque côté d’une arène de lutte. Avec un sens de la publicité innée, Florian Vallée attirera des foules imposantes. À la fin de la grande crise économique, il saisit que le monde a besoin de divertissement. Entre autres, le célèbre Victor Delamarre (1914-1955), le soldat Roland Lebrun (1919-1980) et toute une ribambelle de lutteurs y défilent aux cris des Vas-y, vas-y, varje, fais lé souffert… Les ceintures dorées des championnats émoustillent les amateurs de sensations fortes.
http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/paroles/adieu_du_soldat_l.htm
Pendant plusieurs années, la fille d’Hormidas Vallée, Rose-Aimée Vallée (1918-1973) et son époux Denis Bourque à Alfred (1928-2005) s’occupent activement de la Plage Vallée et de ses nombreuses activités.
Le Hamid-Morton Circus
En 1907, le Hamid Circus Inc, du Liban traverse aux États-Unis et fait la tournée avec le Buffalo Bill Wild West Show. En 1932, George Abou Hamid Sr (1896-1971) s’associe à la compétence reconnue du promoteur de cirques, Robert H. Morton (1894-1956) de la Pennsylvanie. Morton avait déjà fait partie du Gentry Bros Dog and Pony Show, fondé en 1885 en Indiana, aux États-Unis.
Dans l’index des noms de l’histoire du cirque du Bandwagon (volume 16, no 3), daté de mai-juin 1972, à la page 15, on retrouve les noms du Capt William Schultz, animal acts, et de
Fritz Schultz, animal trainer, en page 13 (photograph). Ce célèbre Polonais, Fritz Schultz (1910-2010), surnommé Captain, se déplaçera aux États-Unis et en Australie, vers 1949.
The Animals Novelty Show
La guerre se termine le 8 mai 1945. La renommée de la Plage Vallée s’étend partout au Québec. Ainsi, en juillet 1945, arrive à Saint-Benoît un mini-cirque de trapézistes et d’animaux savants, The Animals Novelty Show. L’Allemand, le Captain William Schultz (1885-1966) aurait acquis son expérience en Europe au sein du Cirque Hamid-Morton. Sans doute a-t’il été en contact avec le renommé Captain Fritz Schultz. Peu après, William Schultz devient propriétaire d’un cirque à Amherst en Nouvelle-Écosse. Il se donne en spectacle, entre autres, dans le Bas du fleuve et au Nouveau-Brunswick.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, des rumeurs avancent que William Schultz aurait été emprisonné à Petawawa, en Ontario, en même temps que le maire de Montréal, l’anti-conscriptionniste, Camillien Houde (1889-1958), maire de Montréal. On redoutait alors les espions allemands. On l’assigne aux spectacles de soldats, cantonnés ici et là.
L’expérience de Schultz est rapidement remarquée par Florian Vallée. Captain attire les foules. Schultz se procure l’ours Ted, 6 pieds 6 pouces et 500 lb, avec lequel il lutte. En 1946, Clément Binet (1925-2003) et son beau-frère, Florian Vallée s’associent au dompteur. Une première tournée provinciale remporte un beau succès. Le spectacle de vingt minutes comprend 5 chiens, 2 ours, 2 singes, 1 loup et 1 poney. Sa chienne June jappait aux seuls mots de On va sortir le petit fusil. À la fin de ses spectacles, Schultz s’adresse à sa petite chienne : Peggy is my sweet heart! Comme Schultz parle anglais, cela permet à Florian Vallée d’améliorer sa langue seconde.
Entre temps, en 1947, la Plage Vallée offre trois petits jeux dont la masse de monsieur muscle et une statue grandeur nature d’Hitler. Trois balles de baseball pour dix sous…pour atteindre le cœur d’Adolf. Toujours en 1947, de passage chez de la parenté de Détroit, Florian Vallée visite un parc d’amusements. Il a compris que les animaux de Schultz peuvent être malades, mais de la machinerie, c’est plus sécuritaire.
À l’été 1950, un éléphant complète la ménagerie. D’après Laval Vallée (1932-2012), Schultz lançait parfois des sentences lourdes d’expérience de vie : Tout ce que fait un animal, c’est pour simplifier sa vie, tandis que l’homme c’est pour se la compliquer. Enfin, pour deux spectacles, Schultz fera équipe avec Médéric Daigle (1900-1982), époux de Marie-Laure Busque (1918-1991) à Éphraïm.
Vieillissant, quelque peu désabusé, William Schultz quitte la Beauce. Schultz habitera près du Colisée de Québec, au 564, Boulevard Hamel. En été 1951, résident de Québec, Captain Schultz n’a donné aucun spectacle. Selon L’Éclaireur du 20 septembre 1951, en page 19 : « Il a consacré tout son temps à enseigner de nouveaux tours à ses ours, ses chiens, ses singes et son loup. Mais c’est à son jeune éléphant que le vieux dompteur à accordé la plus grande attention. On se souvient que l’an dernier, il a importé directement d’Asie un jeune éléphant. (..) Jouer à la balle, sonner une cloche, marcher sur une poutre d’acier de 5 pouces de largeur, se retourner sur cette poutre sans toucher au sol, voilà quelques prouesses exécutées par le jeune élève.»
Célibataire, âgé de 81 ans, le Captain William Schultz décède à Québec le vendredi 12 août 1966.
André Garant
Sources :
Ancestry.ca
BMS2000
Journal L’Éclaireur, septembre 1949 et septembre 1951.
Saint-Benoît-Labre de la Haute-Beauce, 1893-1993, La municipalité de la paroisse de Saint-Benoît-Labre, André Garant
http://www.circushistory.org/Bandwagon/BandwagonName1972.htm