Les belles beauceronnes d’hiver
Par: Joffre Grondin

Un bel exemple de bel entretien patrimonial. Maison à larmier cintré 482, 6e Avenue Nord Saint-Georges. Le propriétaire original était monsieur Thomas Veilleux dont la terre s’étendait jusqu’au parc des 7-chutes.
Rien de tel qu’un samedi froid d’hiver pour décider de rester au chaud à la maison, de sortir un gros livre au hasard… et de tomber sur un chapitre un peu négligé de l’histoire de la Beauce, l’architecture de ses maisons. Nos yeux glissent très souvent sur le paysage sans vraiment s’y attarder, et on remarque trop peu la diversité de l’architecture de nos maisons patrimoniales.
C’était l’occasion d’aller plus loin que 4 murs + 1 toit = maison, et de plonger dans le patrimoine bâti.
D’où viennent ces maisons ?
Selon Daniel Carrier, directeur général de la Société du patrimoine des Beaucerons, il existerait en Beauce 33 modèles différents de maisons, dont plusieurs à Saint-Georges. Certaines sont disparues, d’autres un peu abandonnées, mais plusieurs ont été entretenues de façon remarquable ; c’est ce que nous avons pu constater de visu dans les jours qui ont suivis.
Le gros livre en question était La Beauce et les Beaucerons. Portraits d’une région, 1737-1987, écrit par un collectif. Daniel Carrier était l’auteur du chapitre sur l’architecture domestique. Au tout début, l’auteur expose la méthode pour «démêler» les choses. « Considérons en premier lieu la forme du toit, la forme du plan et le nombre d’étages des maisons. Ces trois éléments permettent d’identifier au premier coup d’oeil le type de la maison ».
Et d’où vient cela? Ou encore, pourquoi cela? Le cela vient de l’évolution de la maison québécoise à travers les années.

Maison néo-classique américaine 9575, 5e Avenue, Saint-Georges Cette maison était autrefois le siège de la Silsby Lumber Company qui avait un très gros moulin à bois dans ce qui est maintenant le parc industriel.
L’évolution
Au début, c’était une maison de style français, sans solage, peu de larmier, très mal adapté au climat québécois. Le larmier est le bout de toit qui dépasse pour ne pas que l’eau coule sur les murs et les fasse pourrir. C’est pas écrit comme ça dans le dictionnaire, mais quel beau mot, larmier, là où les larmes coulent. Quelle belle langue que le Québécois !

Cet ensemble architectural de la 1e Avenue, à Saint-Georges Ouest présente une unité de style ; des variantes du néo-classissisme américain.
Vint l’influence anglaise, vous savez pourquoi, Wolfe, Murray, Durham… et ensuite l’apport québécois, une synthèse des deux. Ça commençait à être confortable. C’est sûr que les amaricains et Arnold n’étaient pas loin et ils ont fourni une grande variété d’influences.
La typologie Carrier : une presque vedette
En tout, Daniel Carrier décrit onze catégories de maisons en Beauce plus les sous-catégories. Cette expertise, et la typologie qu’il a mise au point a été adopté par Héritage Canada, de même que l’Association des amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec. Autrement dit, c’est un spécialiste, en fait, c’est LE spécialiste en Beauce.

Maison avec toit garde soleil avec lucarne rampante. 9570, 5e Avenue, Saint-Georges. Anciens propriétaires, Gustave Giguère, Émile Laflamme
Est-ce que c’est connu ? Pas vraiment. Nous l’avons appris presque par hasard, en posant quelques questions. Prenons tous ensemble un dix secondes pour se flatter la bedaine collective pour se féliciter d’avoir un as que nous ne connaissions pas. Regardez autour de vous et vous verrez .
Jouissance gratuite
Le livre valait donc la peine d’être relu. Prendre un peu de temps pour remarquer l’architecture faisant partie du paysage urbain est un plaisir qui ne coûte rien et qui garde les petites cellules grises actives. Plus elles travaillent, plus elles sont en forme. À ce temps de l’année, nous sommes en plein Défi 5/30 Équilibre, n’oublions pas que cela s’applique aussi au cerveau. Y’en a même qui disent que c’est le cerveau qui contrôle le reste.

Maison à lucarnes et toit garde-soleil que l’on peut voir au 1319 boul Dionne, à Saint-Georges Ouest
Nul besoin d’être spécialiste pour commencer à apprécier l’architecture, il suffit de quelques informations de départ, quitte à vous lancer à fond plus tard si le coeur vous en dit.
Les photos revisitées
D’après Daniel Carrier, les photos du livre ont été prises vers 1982-83. Plus de 30 ans plus tard, nous avons repris en photo certains bâtiments photographiés par lui vers 1983, que l’on retrouve dans le chapitre 6 du livre.
En voici quelques unes, et quelques autres qui n’étaient pas là.

D’influence américaine, un bungalow bâti autour de 1915 pour William James Brady, gérant de la Brown Corporation à Saint-Georges Station, ancêtre de l’auberge maintenant démolie et remplacée par un commerce de location d’outils. La maison illustre une version du bungalow plus bourgeoise, en brique, et au plan complexe.
Le livre
Est-ce que le livre est encore disponible ? « Il en reste quelques uns» , répond Daniel Carrier qui ajoute « avec de légers défauts ». Si intéressé, on se dépêche de contacter le site de la Société du patrimoine des Beaucerons.
Bonnes visites !