Il aurait eu 100 ans dans quelques mois
Polycarpe Poulin rejoint son Adrienne bien-aimée
Par: Yvon Thibodeau, collaboration spéciale

Cette photo de M. Polycarpe Poulin fut réalisée le 9 octobre 2010, environ quatre mois avant de célébrer son 97e anniversaire de naissance. Photo : Yvon Thibodeau
Polycarpe Poulin, décédé le 7 août dernier à l’âge de 99 ans et six mois, était reconnu comme étant un homme d’une grande bonté, et m’avait déjà confié qu’il ne s’était jamais remis du décès de son épouse Adrienne, laquelle lui avait donné 12 enfants. Deux ans après le départ de cette dernière, il m’avait dit « tu sais mon p’tit Thibodeau, les gens pensent que lorsqu’on perd notre femme, deux ans plus tard, la douleur tend à s’effacer. Bien moi je peux t’affirmer que çà n’est pas vrai pantoute ! »
Originaire de St-Victor, mais ayant presque toujours habité l’ancienne rue St-Aubert, à Saint-Georges, celui qui avait gagné l’estime de tous ceux qui l’ont connu, notamment par sa gentillesse et son esprit d’entraide, a exercé plusieurs métiers au cours de sa vie. Il fut entre autres poseur de terrazzo lors de la construction du Séminaire Saint-Georges et du Soleil de l’Enfance, ou bûcheron à Causapscal sur un chantier de l’industriel Édouard Lacroix. M. Poulin se plaisait à dire qu’il gagnait alors 10 cents de l’heure, soit un dollar par jour, et sciait quotidiennement 10 cordes de bois.
Ce nonagénaire était doté d’une très grande ferveur religieuse et a milité durant plusieurs décennies au sein des Pèlerins de Saint-Michel, mieux connus sous le vocable des Bérets blancs. Il était d’ailleurs très fier d’arborer le drapeau de ce mouvement, qui flottait allégrement au-dessus de sa résidence.
Alors que j’étais adolescent, monsieur Polycarpe nous faisait bien rire lorsque le réseau d’aqueduc ou d’égout nécessitait des réparations. Lorsque le temps était venu de remplir le trou, qui avait été creusé au pic et à la pelle par les employés de la ville, ce dernier laissait tomber quelques médailles bénites au fond de ce dernier en disant : « ces tuyaux-là, ils ne boucheront plus jamais ! »
Un joueur de tours
Polycarpe Poulin avait un sens de l’humour très développé, ce qui a déjà eu comme conséquence de causer tout un émoi au sein de ses proches. Il y a environ une quarantaine d’années, quelques minutes à peine après être passé devant chez moi, alors que j’étais occupé à pelleter l’entrée de notre résidence, il entre chez lui et s’adresse à un de ses enfants « ma fille, c’est bien pour dire comme la vie est fragile ; hier, lorsque je suis passé devant chez lui, j’ai vu Yvon Thibodeau en train de pelleter de la neige ; bien aujourd’hui, il est… dans sa tombe ! »
Éberluée par une telle nouvelle, cette dernière s’empresse d’aller annoncer ce triste événement (du moins j’ose le croire), à sa soeur qui habitait la résidence voisine. Imaginez le sourire de satisfaction sur le visage de M.Poulin, lorsqu’il vit revenir en courant ses deux filles, encore sous le choc.
Souvenirs
Parmi les souvenirs les plus tristes qui hantaient sa mémoire, le fait d’avoir été obligé de se défendre en Cour contre un Syndicat qui lui refusait le droit de travailler, sous prétexte qu’il n’avait pas sa carte de compétence. Je me souviens de la fierté ressentie lorsqu’il m’avait lancé : « je suis très content, car j’avais gagné mes deux procès ».
Quant à votre plus beau souvenir, lui avais-je demandé. « C’est lorsque je distribuais le journal “Vers demain” dans toute la Beauce et les environs. Cela me permettait de rencontrer des tas de gens intéressants !
Monsieur Polycarpe Poulin, ce fut un très grand honneur pour moi d’avoir fait votre connaissance.