TÔT OU TARD IL FAUT FAIRE FACE À LA MUSIQUE
Faudra payer mon amour !
Par: Joffre Grondin
Le rapport D’Amours sur les régimes de retraite est enfin tombé après 18 mois de travail. Un rapport de 200 pages qui, on l’espère, n’ira pas rejoindre les nombreux autres sur les tablettes. On y apprend avec stupéfaction qu’au 31 décembre 2012, les régimes de retraite sous la surveillance de la Régie des rentes cumulaient un déficit de 41 milliards de dollars. Regardons l’impact sur le monde municipal, ce qui veut dire sur nos taxes.
Pour les régimes à prestations déterminées du secteur municipal, on voit (page 93 du Rapport) que pour les 122 000 employés de ces régimes, le déficit total de capitalisation des municipalités du Québec était estimé, au 31 décembre 2011, à un peu plus de 4 milliards de dollars et le déficit de solvabilité, à près de 9 milliards de dollars. La solvabilité est le niveau d’actifs de leurs engagements, si le régime s’était terminé au moment de l’évaluation.
En sachant que ces déficits sont comblés par les municipalités, c’est-à-dire tous les payeurs de taxe, il valait la peine de creuser un peu le sujet pour tenter de savoir où on en est à Saint-Georges dans ce dossier.
Un problème là pour rester
Avez-vous entendu parler de cette situation dans la récente campagne électorale ? Non. Jusqu’à maintenant les instances gouvernementales, tous partis confondus semblent traiter le déficit actuariel des municipalités comme un oiseau sur une branche. Si on attend assez longtemps, il va finir par s’envoler. Ce n’est pas le cas.
Nous avons tenté d’esquisser un portrait de la situation en prenant trois villes, Montréal et Québec, histoire de s’encourager — on fera sûrement pas pire — et Saint-Georges.
Les deux grosses
À Montréal par exemple, le Rapport indique, à la page 93, que « selon le budget de fonctionnement 2013 de la Ville de Montréal, la charge totale des régimes de la Ville de Montréal pour l’année 2013 atteindra 584 millions de dollars, soit 12 % du budget de fonctionnement total de 4,9 milliards de dollars. »
Pour la ville de Québec, le maire Labeaume confiait au Devoir le 25 avril dernier que « les méthodes plus réalistes du rapport font passer de 730 millions à 1,28 milliard le déficit ». Une maison de 260 000 $ paie actuellement 312 $ dans son compte de taxe pour le déficit des retraites. Le montant passerait à 624 $.
Ce n’est pas rien. Regardons plus près de nous, au pays des passerelles.
Saint-Georges
Pour faire lumière, nous avons contacté la directrice des finances de la Ville, madame Isabelle Deschênes pour avoir des chiffres. Il faut dire que le déclencheur de tout ceci a été le montant aperçu de 799 800 $ qui a été mis de côté pour le régime des employés dans le budget 2013.
En entrevue téléphonique, madame Deschênes confie que le régime actuel « c’est pas la Cadillac », voulant dire par là que les négociateurs ont donné de bonnes conditions de retraite, mais ont également pris soin de protéger les citoyens payeurs.
Par exemple, les prestations sont calculées sur le salaire en carrière et non sur les meilleures années, comme dans certaines conventions collectives. Certaines modifications recommandées dans le rapport D’Amours sont déjà appliquées, comme la rente qui n’est pas indexée.
Madame Deschênes révèle également que le régime de retraite des employés municipaux de Saint-Georges est évalué tous les 3 ans. La dernière évaluation date du 31 décembre 2010, alors que le déficit était de 1 860 000 $. Payable sur 15 ans. Le rendement de 2012 est « pas mal », ajoute-t-elle. Elle avance que « notre déficit est moindre que celui de Thetford et Québec ».
On penserait qu’avec près de 800 000 $ en banque, et un déficit de 1 860 000 $, il ne reste qu’un million, ce qui en terme relatif serait « pas trop pire ». Mais… la dernière évaluation date du 31 décembre 2010, il ne faut pas l’oublier.
Oups!
Un article du 14 août 2012 publié dans La Presse titrait : Municipalités: le déficit des régimes de retraite explose. « Le déficit actuariel des régimes de retraite des employés municipaux a explosé de 55 % en un an, a appris La Presse Affaires » commençait l’auteure Stéphanie Grammond qui poursuivait : Il a atteint 4,8 milliards de dollars au 31 décembre 2011, par rapport à 3,1 milliards en 2010, selon une évaluation que le Ministère des Affaires municipales a fournie à l’Union des municipalités du Québec (UMQ).
L’explosion de 1,7 milliard du déficit dépendait surtout de la baisse des taux d’intérêt qui obligeait tous les régimes de retraite rajouter plus d’argent pour payer les rentes.
L’article au complet ici : http://affaires.lapresse.ca/economie/quebec/201208/13/01-4564782-municipalites-le-deficit-des-regimes-de-retraite-explose.php
Donc…
Si l’explosion a touché Saint-Georges, et que les déficits de 2011 ont explosé de 55 %, que sera 2012, et 2013. La prochaine évaluation se fera le 31 décembre 2013. D’ici là, en voyant certaines villes qui sont déjà prises à la gorge, il y a peut-être raison de s’inquiéter.
Heureusement qu’on n’a pas la Cadillac !
« La pensée magique ne règlera rien », lance Monsieur D’Amours, ni le « mirage d’une embellie des marchés ». Il faut, dit-il « se rapprocher de la vérité des coûts » et « recadrer la notion de droits acquis ».
Un peu d’avenir à prendre sérieusement
On parle de problèmes intergénérationnels à la page 92 en disant « Il ne faudra pas se surprendre si les jeunes travailleurs dans le futur ne veulent plus participer à des régimes de retraite à prestations déterminées dans lesquels leurs cotisations iraient partiellement financer les déficits liés aux bénéfices accordés dans le passé ».
Le rapport D’Amours
On peut trouver le rapport D’Amours au complet, téléchargeable gratuitement, de même qu’une version courte de 33 pages pour les grandes lignes.
À lire.