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Longue histoire d’une petite promenade, ou…

Cette photo prise en septembre 2018 de la réfection en cours de la partie de la Promenade qu’on appelait le quai Pinon montre que malgré son demi-siècle, celui-ci a été considéré assez solide pour être conservé. Il lui sera donné une deuxième vie grâce à la technologie moderne. L’histoire qui s’allie à la modernité.

Par Joffre Grondin

PETITE HISTOIRE D’UNE LONGUE PROMENADE

L’ouvrage a été élaboré pour harnacher les sautes d’humeur de la Chaudière, et aussi comme voie de communication vers le Sud, surtout pour le trafic lourd venant de l’Ouest par le pont, car la pente est trop abrupte pour aller tout droit vers le boulevard Lacroix.

La promenade Redmond

C’est donc une voie de communication importante pour Saint-Georges.

Revoyons un peu son histoire.

Si la ville de Saint-Georges a utilisé différentes appellations au cours du temps pour ce bout de route, une recherche démontre que c’est depuis la fin du 19e siècle que les édiles se sont souciés des débordements de la Chaudière;  ils ont travaillé, chacun à leur façon, et avec les moyens disponibles à trouver une solution. C’était un problème récurrent qu’il était difficile d’ignorer, et qui ne date pas d’hier. 

Débuts de solutions

Imaginez, la chapelle Sainte-Anne de Sainte-Marie a été érigée en 1778 à la demande des seigneurs Taschereau, « afin d’obtenir la préservation des accidents que causent les débordements de la rivière. » 

L’intention était bonne.

En 1835, le gouvernement demande à l’ingénieur Yule une étude. Il suggère un barrage au lac Mégantic. 

En 1842, un dénommé James Cadway signale que le pont de la rivière Famine a été emporté. Le 1er novembre 1850, la rivière déborde et les habitants de la Famine sont inondés. 

Les actions des différents conseils étaient on ne peut plus motivés; nous allons insérer les dates des « motivations » : les pires débâcles.

«  En 1885, la débâcle est terrible. En 1896, c’est une véritable tragédie », rapporte Roger Bolduc.

Dès 1896, le conseil du maire David Roy demandait au «  gouvernement provincial d’avoir l’obligeance d’envoyer un de ses ingénieurs visiter les dommages causés par la débâcle de la rivière », pour vérifier si les dommages ne seraient pas dus à « la compagnie qui a une chaussée à la décharge du Lac Mégantic , qui envoyait de l’eau toutes les semaines… ce qui, à chaque fois, épaississait la glace, que c’est dû à cette épaisseur de glace que la débâcle a été si terrible. » 

« D’autres désastres en 1912 , puis en 1913 ». 

En 1912 alors que Joseph Gilbert est maire, on attribue une fois de plus les « débordements printaniers au barrage de la Lake Megantic Pulp Company, à Lac-Mégantic » et le conseil « appuie fortement les démarches entreprises par la Chambre de Commerce de Beauceville pour inciter les gouvernements fédéral et provincial à entreprendre des travaux pour prévenir ces inondations printanières. »

En juillet 1941, voilà ce qu’avaient l’air les écores de la Chaudière près du pont de fer de Saint-Georges. Certains avaient des quais de ciment, qui alternaient avec la terre de remplissage. Photo : Société historique Sartigan, fonds Claude Loubier.

1914-1915 Philippe Thibaudeau, maire

« 1914. On demande au gouvernement de construire des terrasses contre les inondations. »

« Puisqu’on parle du gouvernement, ajoutons que chaque année le conseil revient à la charge pour obtenir des travaux en vue de réduire les dégâts causés par les débâcles. On en aura d’ailleurs pour 50 ans à entendre parler de ce problème », rapporte Roger Bolduc dans Essor d’une ville 1907-1982, Roger Bolduc, 1982.

Le feu de novembre1915 détruit une partie du village. À peine a-t-on reconstruit, au même endroit, que la débâcle « la plus importante depuis que Saint-Georges existe se produit le 3 juillet 1917 » et c’est la destruction.

Dans 1773 à aujourd’hui : Catastrophes hydrologiques en Beauce, Fernand Grenier rapporte qu’il y eut plusieurs rapports sur les inondations de 1917 et que « l’ingénieur Bourbonnais suggère divers moyens pour atténuer les mauvais effets des débordements catastrophiques : plantations sur les berges de la Chaudière et de ses principaux affluents; construction de barrages au lac Mégantic, à Saint-Georges et sur les rivières du Loup et Famine. » N’y allant pas de main morte, il affirme qu’il faut « envisager le déplacement des routes et de la voie ferrée, déménager le village de Sainte-Marie et déclarer inhabitables certains secteurs de Vallée-Jonction, de Saint-Joseph et de Beauceville. » 

Dire que ses recommandations ont été peu suivies serait encore un euphémisme.

Le temps de souffler un peu

De 1918 à 1927, «  débâcles spectaculaires, mais peu destructrices. » 

1926 Georges Thibodeau, maire

Les édiles « demandent au député Hugues Fortier de convaincre le gouvernement de construire des quais de béton dans la rivière Chaudière à un demi-mille en amont du village. Ces quais auraient pour effet de briser les glaces et de réduire les risques d’embâcles ou d’inondations. » 

En 1928, les « glaces dévastent tout sur leur passage. » En janvier 1929, « débâcle prématurée sévère. »

1937 Josaphat Poulin, maire

« On demande de nouveau au gouvernement provincial de consacrer 10 000 $ à la construction de quais protecteurs le long de la rivière Chaudière. »

Soulignons que le budget de la ville en 1938 était de 8 083 $.

On souffle encore un peu de 1930 à 1938, mais en 1939, la Chaudière a de nouveau une « saute d’humeur. » 

En 1940, une autre « débâcle prématurée sévère. »

1940-1945 Clovis Thibaudeau, maire

Roger Bolduc qualifie ce maire qui se lance dans de nombreux projets de « jeune et intuitif ». Parmi ses projets, il entreprend les « démarches préliminaires en vue d’aménager des terrains de stationnement le long de la rivière. » 

1947 Louis Drouin, maire

« On commence à parler d’un terrain de stationnement qui longerait la rivière Chaudière sur une largeur de 60 pieds. Il suffirait de construire des quais et de remplir les écarts [sic] (écores) de terre ».

Cette photo de 1958 montre que c’est sous le maire Adalbert Gagné que date le début du remplissage, sous le pont. Il faut commencer quelque part. On note que le ruisseau d’Ardoise est enjambé sur la 1re Avenue seulement. Le pont et la petite rue qui longe la banque devront attendre l’été 1960. Photo : Société historique Sartigan, fonds Claude Loubier.

1955 Josaphat Poulin, maire

Le viaduc est inauguré le 21 novembre 1955.

« Toute la terre enlevée sur le site du futur viaduc est jetée le long de la rivière où elle sert à agrandir le terrain de stationnement ».

En décembre 1957, arrive une autre « débâcle prématurée sévère. »

1957 Josaphat Poulin, maire

« La municipalité désire se procurer des lisières de terrains pour parachever le terrain de stationnement le long de la Chaudière. »

« En 1957, M. [Josaphat] Poulin et son conseil se lancent dans l’aménagement d’une rue de service et d’un terrain de stationnement qui longera la rivière Chaudière… C’est la naissance du Boulevard Chaudière, réalisation à laquelle participeront tous les conseils suivants », écrit Roger Bolduc.

1958 Adalbert Gagné, maire

« On prolonge le terrain de stationnement qui devient “chemin de ceinture” et passe maintenant sous le pont. » 

Été 1960, le ruisseau d’Ardoise est couvert d’un pont flambant neuf. Photo : Société historique Sartigan, fonds Claude Loubier.

1960 Émile Poirier, maire

Le pont du ruisseau d’Ardoise. Citons ici Pierre Morin de la Société historique Sartigan, qui résume : «  C’est seulement entre 1955 et 1960 qu’on a remblayé la rive et effectué du remplissage pour y aménager un stationnement linéaire en arrière des commerces tout au long de la rivière. Lorsque le tout fut complété, entre la 116e et la 125e rue, on a décidé de joindre les deux parties (qui étaient coupées par le ruisseau d’Ardoise) par un pont qui fut érigé à l’été 1960. »

Vue de la Ville en 1960. Le pont du ruisseau d’Ardoise est là. Sur les côtes, le Séminaire a terminé ses 5 étages en 1954 et ne se doute pas qu’il deviendra CÉGEP moins de dix ans plus tard. Il n’y a que 8 ans que le curé Duval a célébré la première messe à l’église L’Assomption. Photo : Société historique Sartigan, fonds Claude Loubier.
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1963 Sylvester Redmond, maire

C’est en 1962 que le photographe Neuville Bazin, croquait cette photo pour les Archives nationales du Québec (ANQ). Place Centre-ville n’existe pas encore, car l’endroit attend que la terre de l’île Gilbert crée le lieu pour le futur commerce et permette la poursuite de la « Promenade ». Photo : Société historique Sartigan, fonds Claude Loubier.

« L’Avenue de la Chaudière n’est pas négligée pour autant. On demande au gouvernement d’enlever l’île de M. Émile Gilbert, au centre de la rivière, et d’utiliser cette terre pour remplir l’écart. [ sic] » Les travaux pour enlever l’île Gilbert commenceront en 1965 et se poursuivront en même temps que le quai Pinon et plus pour finalement se rendre où elle est aujourd’hui, un peu plus loin que Place Centre-Ville réalisé à la même époque.

1966 Jacques Pinon, maire

Ce sera le maire Jacques Pinon, en 1966, qui profitera des travaux d’hiver pour faire le quai de soutènement, qui, après plus de 50 années de loyaux services, se fait refaire une beauté en 2018.

En avril 1967, quelques mois avant le parachèvement du barrage Sartigan, survient une autre débâcle. Au printemps 1968, le barrage fera ses preuves.

Le nouveau pont, complété en 1969, termine le tableau.

Une photo de 1969, prise du côté Est, qui montre le nouveau quai, dit quai Pinon, ajouté depuis peu pour protéger la zone inondable, avec vue sur l’Ouest, zone qui n’a jamais été inondée de par son élévation. On pourrait se demander pourquoi s’installer dans une zone inondable et y rester si longtemps.

La Promenade Redmond.

Il y avait eu diverses appellations au cours des années, mais en 2005, sur recommandation du comité de toponymie d’alors, la résolution du conseil no 05-2736 changeait le nom de Promenade Chaudière en Promenade Redmond en 2005. 

Plusieurs autres noms de lieux ont été traités en même temps dans cette résolution, 16 en fait, et tous n’ont pas été officialisés, ce qui est normal. (Résolution no 05-2736) 

À la demande de la Ville, le nom Promenade Redmond a été officialisé par la commission de toponymie Québec le 15 avril 2010. 

Il faut savoir que si la Ville adopte un nom, il prend effet. Il est possible, mais non obligatoire de l’officialiser auprès de la commission de toponymie du Québec.

À la demande de la Ville, le nom Promenade Redmond a été officialisé par la commission de toponymie Québec le 15 avril 2010. 

Après presque un demi-siècle de loyaux services, le quai, en décembre 2012 attendait sa rénovation. Les conseils de l’époque travaillaient de leur mieux pour trouver les millions nécessaires.

Une petite marche sur la promenade?

C’est ainsi que la curiosité suscitée par la découverte, par hasard, du livre de Roger Bolduc, Essor d’une ville 1907-1982,sur les tablettes de la bibliothèque de la Société historique Sartigan,s’est transformée graduellement en découverte d’un enchaînement d’événements de notre petite histoire.   

À la lumière des faits mentionnés précédemment, il serait peut-être à considérer de ne pas attribuer à un seul individu la réalisation d’un tel travail d’équipe.  

Cette voie de communication le long de la Chaudière, tous les maires l’ont arpenté en leur temps, chacun regardant les travaux en cours, ce qui était déjà réalisé, et nul doute, avec une étincelle dans le regard, une vision du produit fini. 

Vers le 21e siècle

À l’aube du 21e siècle, et plus le demi-siècle de l’œuvre approchait, les maires en poste ont fait de nombreux efforts en vue de la réfection de cette voie de communication qui se réalise sous nos yeux en 2018.

Les rénovations ne sont pas encore terminées, mais l’œuvre a déjà fière allure. On remarque une touche artistique avec le motif de vagues.

La Promenade des maires 

Les maires et leurs conseils ont contribué chacun en leur temps à la vision, la construction, la préservation et et des décennies plus tard à la rénovation de cette voie indispensable qui n’a plus de raisons de ne pas devenir centenaire.

Considérant ce qui précède, l’appellation Promenade des maires vient à l’esprit comme très évocateur de l’histoire de cette voie de communication de notre ville.

D’autre part, si ces maires du passé pouvaient regarder par-dessus nos épaules et admirer cette nouvelle esthétique de la rénovation de l’œuvre dont ils ont produit la première version, ils nous murmureraient peut-être à l’oreille quelque chose comme:  « C’est ben beau notre promenade, mon homme ! »

Références :

  • Essor d’une ville 1907-1982, Roger Bolduc, 1982
  • Saint-Georges d’hier et d’aujourd’hui, Roger Bolduc, 1969
  • Histoire de Saint-Georges de Beauce, Robert Vézina, 1935
  • 1773 à aujourd’hui : Catastrophes hydrologiques en Beauce, Grenier, F. (2005). 1773 à aujourd’hui : Catastrophes hydrologiques en Beauce. Cap-aux-Diamants, (82), 14–19. Fernand Grenier https://www.erudit.org/fr/revues/cd/2005-n82-cd1045506/7068ac.pdf 
https://www.erudit.org/fr/revues/cd/2005-n82-cd1045506/7068ac.pdf

1773 à aujourd’hui : Catastrophes hydrologiques en Beauce, Grenier, F. (2005). 1773 à aujourd’hui : Catastrophes hydrologiques en Beauce. Cap-aux-Diamants, (82), 14–19. Fernand Grenier https://www.erudit.org/fr/revues/cd/2005-n82-cd1045506/7068ac.pdf 

  • Ville de Saint-Georges, Service du secrétariat général et greffe
  • Articles de Pierre Morin sur la page Facebook de la Société historique Sartigan https://www.facebook.com/shsartigan
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