Gilles Villeneuve, Premier…!
Par: Rolland Bouffard, collaboration spéciale
Rolland Bouffard, Collaboration spéciale
Il y a quarante ans. Le dimanche 8 octobre 1978, Gilles Villeneuve termine la course en première place au Grand Prix du Canada. C’est sa première victoire en Formule 1. Pour la première fois, l’épreuve canadienne du championnat du monde se déroule à l’Île Notre-Dame à Montréal.
Nous avons acheté les billets pour une place debout, $10.00, au magasin Eaton de la rue Sainte-Catherine quelques semaines auparavant. Avant de partir de Saint-Hyacinthe où nous habitons, ma conjointe propose d’apporter nos « suits de Skidoo », on annonce du temps froid. C’est une bonne décision, parce qu’en fin d’après-midi, lors des derniers tours de piste, il tombe des brins de neige.
Gilles, les courses à ses débuts
Gilles Villeneuve n’en n’est pas à sa première course. On l’a déjà vu sur un Skidoo, lors d’une course sur une motoneige Skiroule dans un « Pit-de-gravelle » à Saint-Henri de Lévis, au début des années 1970. Plus tard, il joint l’équipe de motoneige Moto-Ski. Il remporte des championnats tant au Canada qu’aux États-Unis.
Il participe à des courses automobiles, soit au Grand-Prix de Trois-Rivières, au Grand-Prix de Mont-Tremblant ainsi qu’aux États-Unis, avant d’accéder à la formule 1 et d’être recruté par Ferrari.
Avant la course
Avant le programme de la fin de semaine, Gilles Villeneuve est appelé à signer le Livre d’Or de l’hôtel de ville et à donner des entrevues. Un article du Journal de Montréal, du 6 octobre 1978, relate la rencontre avec le maire Drapeau et les parents du coureur.
Gilles s’adresse à Jean Drapeau et lui déclare : « M. le maire, je pense que la course va être un succès fantastique, il n’y a que Montréal pour faire des choses comme cela ». À en juger par le sourire du maire, ce commentaire a l’heur de plaire au premier magistrat de la ville.
Sa mère, Mme Georgette, visiblement émue de l’accueil réservé à son fils, déclare que souvent elle avait supplié son fils de rouler moins vite. Son père, Séville Villeneuve, qui cultive avec succès le sens de l’humour, déclare qu’il n’éprouve aucune crainte lorsque son fils est au volant d’un bolide. « Gilles contrôle parfaitement les véhicules qu’il conduit, il gagnerait même sur une tondeuse à gazon ».
Son épouse, Joan Villeneuve, dit qu’elle s’habitue aux voyages partout dans le monde. Considérant que Gilles doit se rendre souvent en Italie, leur résidence principale est à Cannes, le seul endroit où ils peuvent habiter pour que les enfants aient une bonne éducation en français.
La course du 8 octobre 1978
De 13h00 à 13h30, c’est la parade des pilotes. La course démarre à 14h00, elle se déroule normalement sans accrochage, mais voilà, vers la fin, Gilles Villeneuve est deuxième depuis quelques tours, un véhicule noir précède la Ferrari rouge. De l’endroit où nous sommes, debout sur un monticule de terre, nous attendons patiemment le tour suivant, l’auto noire est toujours en avant, la rouge suit, les brins de neige commencent à tomber, tout à coup, à l’avant-dernier tour, on s’interroge, on ne voit pas l’auto noire et on aperçoit la Ferrari rouge, on se questionne, c’est vrai, Villeneuve est premier, mais il reste un tour. Finalement, c’est confirmé, il revient avec le drapeau à damier. C’est l’euphorie sur les bords de la piste.
Quant à ceux qui regardent la course à la télévision, ils ont le résultat prématurément. Le commentateur du Canal 10, TVA, dans son enthousiasme, annonce la victoire de Villeneuve avant le dernier tour… Comme le raconte le Journal de Montréal du 9 octobre 1978, « Le commentateur Pierre Proulx du réseau de télévision TVA a joué avec la pression artérielle de millions de téléspectateurs hier après-midi en annonçant que Gilles Villeneuve était gagnant, alors qu’il lui restait encore plus de quatre kilomètres à parcourir » !
C’est pourquoi, à la suite de cette joie prématurée, le dernier tour de piste s’est avéré particulièrement long et pénible pour tous les partisans de Villeneuve, d’autant plus que sa voiture semblait ralentir et que son plus proche rival, Jody Scheckter, se rapprochait dangereusement.
Puis on entendit M. Proulx s’exclamer : « En tout cas, le réseau TVA aura été le premier à annoncer la victoire de Villeneuve ».
Après la course
En conférence de presse, Gilles Villeneuve déclare qu’il avait réellement hâte qu’on abaisse le drapeau quadrillé sur son passage en fin d’après-midi.
Non seulement parce que cela faisait de lui le premier Canadien à gagner un Grand Prix de formule Un, mais parce qu’il entendait des bruits insolites : «Je suis évidemment très heureux d’avoir gagné, je me disais que je ne pouvais pas flancher un deuxième dimanche de suite. Il m’a pourtant semblé entendre plus de bruits que d’habitude et j’ai conduit comme un curé à la fin».