LE CHÂTEAU BEAUCE
La réalité des édifices patrimoniaux et de la Culture.
Par: Rolland Bouffard, collaboration spéciale
Rolland Bouffard, Collaboration spéciale
La décision de démolir le Château Beauce à Sainte-Marie saute en plein visage et réanime la réflexion culturelle de la société endormie. Drôle de situation, la balle rebondit à Montréal dans la première page du journal Le Devoir et le Journal de Montréal dans une chronique de Lise Ravary.
En 1903, les notaires Georges-Siméon Théberge et Ernest LaRue érigent une imposante demeure de style néo-Queen Anne en face de la maison du docteur Richard-Achille Fortier (maison disparue en 1966).
Construite au milieu d’un vaste jardin, cette résidence, le Château Beauce, se caractérise notamment par la présence d’une tour et de créneaux.
Cet édifice est l’un des ultimes témoins du passé seigneurial de Sainte-Marie, ses propriétaires étant devenus les derniers seigneurs en titre de l’endroit.
Source : Fonds Archives nationales du Québec, Fonds Magella Bureau, Société du Patrimoine des Beaucerons.
Le 29 septembre 1932, l’édifice est transmis aux sœurs missionnaires de l’Immaculée Conception. Agrandi en 1937, de nouveau agrandi en 1943, et en 1955.
Le 31 mars 1967, les Sœurs oblates de Béthanie prennent possession de la propriété qui leur est donnée par les Sœurs missionnaires. Le monastère accueille aussi les sœurs malades ou retraitées de la communauté. En 1988, on y aménage une infirmerie de 15 chambres.
Source : Site patrimoine religieux oblates Sainte-Marie

Une vue de l’intérieur du Chateau-Beauce Source : https://sainte-marie.ca/patrimoine-religieux/oblates/index.htm#images. Ville de Sainte-Marie.
Venons-en aux faits
Depuis des décennies, la culture, l’architecture et le beau auront été l’apanage des religieux et des intellectuels. C’était les curés, les frères et les sœurs des communautés éducatives, les avocats, les notaires et aussi les médecins qui ont soutenu cette représentation. En fait, du monde issu du cours classique.
S’il n’y avait pas eu ces bénévoles religieux pour écrire et conserver l’histoire des régions, il ne resterait rien de ces souvenirs d’une nation âgée de seulement 400 ans.
Dans La Belle Province, on ferme quarante églises chaque année. Bien entendu, ces lieux du culte, surtout ceux construits récemment, n’ont pas tous une valeur architecturale très élevée. Par contre, d’autres, ayant une histoire importante et une architecture exceptionnelle, rencontrent des obstacles politiques ou des convenances administratives.
Le dossier impliquant l’église de Saint-Cœur-de-Marie sur la Grande Allée dans le quartier du Cap-Blanc à Québec et le promoteur Louis Lessard est un exemple frappant. J’ai plusieurs documents qui éclairent ce dossier sur mon ordinateur. Je peux les fournir aux intéressés. [email protected]
Les temps changent
Il y a quelques années, le dimanche, le stationnement des églises était plein. Maintenant, le dimanche, ce sont les stationnements des arénas qui sont bondés. Les Romains avaient compris, le peuple veut du pain et des jeux. Le temps pour soigner l’âme semble avoir déserté les lieux de culte.
Répondre aux normes
Il y a souvent les normes et les règles du code du bâtiment, qui compliquent les projets de restauration, ou encore, lorsque l’on veut donner une nouvelle vocation à un édifice patrimonial. Le dossier de l’amiante est devenu viral. Le zèle de certains protecteurs des poumons effarouche les entrepreneurs en rénovation. Par contre, des centaines de personnes vivent près des montagnes de résidus à Black Lake. Pourtant, on ne fait pas d’annonces de décès en grande pompe.
Les édiles et la réalité
Si un maire se présentait à une élection en promettant d’investir quelques milliers de dollars pour rénover et conserver un édifice patrimonial, il serait sûrement battu.
Il faut se rappeler, il n’y a pas si longtemps, dans les cantons, on s’opposait à l’éducation, on brûlait les écoles de rang afin de garder les enfants pour les travaux de la ferme, ou certains travaux ménagers pour rapporter de l’argent à la maison, afin de nourrir les grosses familles.
Pas de micro
Le poids médiatique des régions est réduit à environ 10 %. Les micros et les caméras sont à Montréal… Pas étonnant que l’article concernant le dossier du Château Beauce se soit retrouvé dans un journal de Montréal.
En fin de semaine, je visitais des amis sur le Plateau. Je n’ai pas été surpris de me faire gentiment mettre sous le nez un exemplaire du journal Le Devoir, relatant l’article de Jean-François Nadeau à propos du Château-Beauce de Sainte-Marie, endroit où j’habite.
Mes amis s’interrogeaient avec raison.
Dossier des archives
Le journal Le Devoir publie aussi un article à propos de la SPB. J’ai été président pendant neuf ans de la Société du Patrimoine des Beaucerons, le centre d’archives de la Beauce, un organisme soutenu par le Ministère de la Culture, une fondation et des bénévoles depuis plus de quarante ans, qui est temporairement fermé pour réorganisation. Par contre, les taux d’intérêt sur les placements ont diminué, comparé aux années 1980. Les fondations génèrent donc moins de recettes. Les bénévoles ont pris de l’âge.
Le soutien financier des gouvernements pour les Centres d’Archives dans les régions n’a pas augmenté en fonction de l’inflation. Pire encore, on a créé des structures. Il faut compléter des pages de documents soutenus par des statistiques pour avoir accès à des subventions. Au lieu de dépendre directement du Ministère de la Culture, on a créé des échafaudages décisionnels, de façon que les Centres d’Archives des régions dépendent de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, un organisme basé à Montréal. Il faut donc entretenir des pontifes dans l’organigramme administratif avant que l’argent du Ministère de la Culture ne parvienne aux organismes culturels dans les régions… ! On peut comprendre que seulement les résidus du financement émis par le ministère à même nos impôts se rendent dans les comtés régionaux.
Finalement
Quant à Château Beauce, il y aurait possibilité de faire la nouvelle construction prévue en y intégrant la structure de la résidence actuelle, pour conserver le souvenir de l’histoire de Sainte-Marie, comme le propose le promoteur Louis Lessard dans le dossier de l’Église de Saint-Cœur-de-Marie à Québec.
Par contre, ce n’est pas seulement aux résidents de Sainte-Marie à supporter tous les coûts pour conserver ce projet. Comme le souligne l’auteur de l’article du journal Le Devoir, en référence, Breton-Demeule, « Le patrimoine n’est pas un enjeu municipal, mais national ». Il y a des programmes prévus au niveau provincial pour supporter ces projets. Le gouvernement canadien a aussi des programmes pour ce genre de dossier. Il suffit de regarder de ce côté avant de démolir.
On peut lire l’article du Journal Le Devoir :
L’article du Journal de Montréal Lise Ravary :
https://www.journaldequebec.com/2018/09/23/la-memoire-des-maisons
EnBeauce.com :