LE TEMPS DES FÊTES EN BEAUCE
Par: André Garant

À 8 jours de Noël, une première neige bien timide recouvre à peine le sol, alors que la ville de Saint-Georges, et toute la Beauce se sont illuminées pour l’accueillir.
Par André Garant
Vers le 25 décembre, au solstice d’hiver, les païens adoraient le soleil, le retour à une plus grande clarté. Les jours rallongent. En l’an 354, le pape Libère, ignorant la date exacte de la naissance du Christ, fixe au 25 décembre la naissance du Christ. Il lui importait de concurrencer les manifestations païennes de Mithra et de Sol Invictus.
On aime à croire que le Saint Nicolas chrétien dit Saint Nicolas de Myre (270-345), en Asie Mineure, est à l’origine probable du Père Noël, le Sinter Klass néerlandais et le Santa Claus américain, imaginé en 1821 par le pasteur Clement Clarke Moore. En 1931, la Cie Coca Cola lui donne une figure humaine joviale.
Petit Papa Noël, quand tu descendras du ciel, avec des jouets par milliers, n’oublie pas mon petit soulier…
Le Temps des Fêtes en Beauce
La Nouvelle-Beauce naît en 1737, à la fin du régime français. Dès 1763, la Conquête britannique s’installera. Le censitaire français de la vallée du Saint-Laurent deviendra peu à peu un habitant canadien. Ces colons fuient la Côte-de-Beaupré et la région de Québec. Ces pionniers s’installent alors le long de la rivière Chaudière avec leur bagage parlé, culinaire, musical et de traditions variées.
Longtemps isolés des grands centres, les jarrets noirs préserveront leurs us et coutumes pendant plusieurs générations. Ces pionniers beaucerons avaient sans doute l’accent de la France. Aussi, des Anglais et des Irlandais déménagent en Beauce. Les traditions du temps des Fêtes bouillonnent dans un creuset de cultures complémentaires. En Beauce, les traditions du 25 décembre et du 1er janvier sont-elles si différentes des autres régions québécoises ?

Superbe photo de l’église Assomption illuminée, tirée du rabat du couvert du livre d’André Garant de 1985, Sur les coteaux de l’Ardoise, écrit lors du 50e de ladite paroisse.
Jadis, la ruralité amène le voisinage, les contes, les légendes, les veillées gaillardes, les gros repas, le sens de la fête. Les rites religieux de la Beauce, les chants sacrés, sont ceux de la grande région de Québec, de la Côte-de-Beaupré et de l’île d’Orléans. D’ailleurs, les fricots, ces mangeailles gargantuesques du jour de l’An au mercredi des Cendres naissent à cette époque. Être bien en chair protège-t-il des grandes froidures ?
Et si les mots présent et cadeau étaient synonymes ?
Viré vers le passé, prévoyant les lendemains, oublie-t-on le présent ? Aujourd’hui, vivre, c’est regarder en avant.
« Comme il ne faut pas négliger la parenté ni d’un côté ni de l’autre, il arrive quelquefois qu’à la fin de la journée du Premier de l’An des jeunes couples aient fait honneur à trois grands repas, dont le premier à dix heures du matin, chez les parents de l’épouse. (…) Il arrive assez souvent que la tempête en isolant les maisons, y garde prisonnières de 60 à 100 personnes. » (Madeleine Ferron et Robert Cliche, Quand le peuple fait la loi.)
Les traditions perdurent jusque vers 1980 : la quête de l’Enfant-Jésus, la guignolée, la vente aux enchères des bancs, l’élection des marguilliers, la légende de la chasse-galerie… Pendant la nuit de Noël, les morts assistent à une messe à la croix du cimetière, la bénédiction paternelle du Jour de l’An, la bean dans le gâteau des Rois du 6 janvier. On n’oublie pas que les impressions d’enfant fixent la couleur de l’âme.
Malgré l’évolution des festivités de fin d’année, la tradition du cœur, c’est toujours l’entraide, l’amour et la générosité. De nos jours, la Fête des enfants démunis, les collectes des Chevaliers de Colomb, des pompiers volontaires, les banques alimentaires scolaires et corporatives font place au partage.
En 2002, un sympathique et jovial Beauceron de 73 ans me racontait : « Le Jour de l’An au matin, papa rentrait de faire le train. Après la traditionnelle bénédiction paternelle, mes parents élongeaient des sacs-cadeaux sur la table. Chaque petit sac contenait : deux bonbons français, deux chocolats casse, une poignée de bonbons brûlés, une autre de mélangés, des peanuts et parfois une orange. »

Chaque année, pendant très longtemps, le magasin J.A. Gagné, situé sur la 1re Avenue à Saint-Georges, montait sa crèche de Noël. On la voit ici en 1956. l’édifice patrimonial a été détruit par un incendie en octobre 2009.
La frénésie de Noël
Chez nous en Beauce, nos familles se sont forgé des presque rites : les cretons onctueux de maman, les biscuits de ma tante Thérèse, la farce de mémère, les roulés aux fraises et au sucre de Simone, la bagatelle mangée en premier par les adultes, la crèche artisanale de William, le Père Noël du magasin général de Jean-Thomas, la coupe du sapin depuis la fin du 19e siècle. Pains sandwich en couleurs, joues rouges des enfants, cuisines et salons emboucanés, vitres cernées d’humidité et un autre morceau de bois dans le poêle…
Jusqu’en1900, les décorations des maisons sont réduites à du papier de couleur et à quelques guirlandes, selon l’historien Jean Provencher. Encore en 1955, la célébration religieuse de Noël passe de manière facultative par les trois messes consécutives à minuit… et non à seize heures. Naturellement, le réveillon occupe toute la nuitée du 25 décembre jusqu’aux aurores. Au cœur de la vie familiale, c’est là que se trouve l’originalité des traditions beauceronnes de fin d’année. De nos jours, Saint-Prosper et ses maisons illuminées enchantent !
La visite aux personnes âgées, l’attention portée aux enfants, les réunions familiales, une habitude saine à perpétuer. Penser à rendre signifiante la chaleureuse ritournelle des Joyeux Noël, Bonne et Heureuse Année. En Beauce, de la vallée aux coteaux, le rituel prend ses racines ici et là : sapin de Noël allemand, la crèche italienne, le Père Noël américain. Peu à peu, les coutumes des festivités de Noël et du Jour de l’An de la Nouvelle-Beauce s’américanisent. Par besoin, on se déplaçait jadis vers la Pointe-Lévis et Québec. Influence urbaine filtrée par l’esprit campagnard et l’environnement rural des Beaucerons d’autrefois. Mon oncle Armand et son accordéon à pitons.
Aussi, l’arrivée des Irlandais, des Écossais et des Anglais en périphérie beauceronne, forge de nouvelles façons de fêter et colore la Beauce de Cumberland Mills et autres villages typiques. À Saint-Odilon-de-Cranbourne, à Saint-Édouard-de-Frampton, le biscuit shortbread est-il encore à l’honneur ? Et dire qu’en Irlande, mon ancêtre Michaël Foley (1826-1894) entrait par la porte d’en avant et sortait par celle d’en arrière en vue d’attirer la chance à minuit le 31 décembre ! Les descendants des familles acadiennes de Saint-Théophile de Beauce ont sans doute conservé quelques traditions de la Haute-Côte-Nord.
Beaux jours en janvier trompent l’homme en février
Une Beauceronne de 82 ans se souvient de sa jeunesse où elle s’inquiétait qu’un brin de neige avalé compromettrait sa communion à jeun. En Beauce, ex-cook des chantiers du Maine, Adolphe Veilleux (1888-1990) organisait de grosses soirées de plus de 80 personnes. Vers 1975, en plus de ses amis, M. Veilleux déplaçait des gros chapeaux, soit des politiciens et des membres du clergé. Violoneux et amateur de folklore !
D’autre part, un grand-père ricane encore des cadeaux-surprises donnés à ses petits-enfants…une belle grosse patate bien enrubannée ! Avec la publicité des catalogues, la frénésie de Noël est à son comble : Simpson, Eaton, Morgan, Baie d’Hudson. Autrefois, plusieurs Beaucerons se déplacent sur la rue Saint-Joseph et Saint-Jean, dans la Basse-ville de Québec. En 1850, Zéphirin Paquet (1818-1905) inaugure La Compagnie Paquet Ltée, dans le quartier Saint-Roch de Québec. En 1867, le magasin J. B. Laliberté attire. En 1870, La Maison Simons ouvre au cœur du Vieux-Québec. De plus, en 1906, le Russe et ex-peddler, Maurice Pollack (1885-1968) est le premier à offrir un système de prix fixe. En 1957, six chefs de rayons de la Cie Paquet forment Le Syndicat de Québec. Souvent, le magasin général de notre patelin suffira amplement.
Et comme le racontait le Père Gédéon, la crèche de Noël provient de la Beauce : entre les localités de Sainte-Marie et Saint-Joseph, se blottit l’Enfant-Jésus (Vallée-Jonction), sous la bienveillance des Saints-Anges.
« Bonjour le maître et la maîtresse, et tous les gens de la maison. Nous avons fait une promesse, de v’nir vous voir une fois l’an. Une fois l’an… (Ou la variante entonnée après les salutations d’usage : Pour le dernier jour de l’année, la guignolée vous nous donnez, si vous voulez rien nous donner, dites-nous-le, nous prendrons la fille aînée. »)
Bonne année, gros nez. Toi pareillement, grandes dents. Que Dieu te bénisse, grosses cuisses. À L’année prochaine, grosse bedaine. »
André Garant
https://www.youtube.com/playlist?list=PL1FD8BBAD7D402A08
Les anges dans nos campagnes, auteur inconnu, 16e siècle.
Adeste fideles (Peuple fidèle) : chant traditionnel latin, composé par le roi du Portugal en 1640 ou par un Anglais ou un allemand…
Silent night (Douce nuit) : composé en 1818 par l’Autrichien Franz Xaver Gruber.
Mon beau sapin, basé sur une musique traditionnelle allemande et un texte daté de 1824.
Minuit chrétien : écrit vers 1843 par Placide Cappeau, mis en musique par Adolphe Adam en 1847.
Jingle Bells (Vive le vent), publié en 1857 par James Pierpont à Boston.
Rudolph, the Red Nosed Reindeer (Le petit reine au nez rouge) : inspiré du poème américain de Robert L. May de 1939.
White Christmas, composé par Irving Berlin a été popularisé par Bing Crosby en 1941.
Petit papa Noël, composé pendant la Deuxième Guerre mondiale, par Raymond Vincy sur une musique d’Henri Martinet.