Un Café historique passionnant
Par: Joffre Grondin
C’est devant un parterre bondé, intéressé, réceptif, absorbé et souriant que s’est déroulé le plus récent Café historique « Les immigrants de chez nous ». Les personnes choisies représentaient les arrivants en Beauce sur une assez longue période, plus d’un siècle en fait. Monsieur Édouard Thabet, dont le père Michel arrive en 1902, Monsieur Chen dans les années 80, et Madame Lydie Tipaka il y a quelques années à peine.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’immigration en Beauce ne date pas d’hier, mais pratiquement de sa fondation.
L’animateur, Pier Dutil, qui semble être né pour animer des Cafés historiques, l’a d’ailleurs souligné dans son introduction. On pense évidemment à John George Pfotzer, homme à la vie aventureuse, aussi connu comme Jean-Georges Pozer, seigneur d’Aubert-Gallion, qu’il achète en 1807, à 55 ans, et qui a grandement contribué, lire, a fourni l’impulsion initiale au développement de Saint-Georges.
Ça vient, ça va
On pense aussi aux Redmond, Mooney, Donovan, Mc Collough, Ross, Wintle, Abbatiello, Pinon, Berberi, Tawell, Anto, Gabbour, Moreno et bien d’autres qui ont contribué à faire de la Beauce ce qu’elle est.
Évidemment, il y a eu des échecs. L’arrivée des 100 Polonaises en 1947, il en est resté 3 seulement, et les « boat people » dans les années 70, qui sont repartis.
Où vont les immigrants ?
Paméla Rodrigue, agente d’intégration et de sensibilisation en immigration au Carrefour Jeunesse Emploi, rappelle que, généralement, entre 50 et 55 000 immigrants arrivent au Québec chaque année. De ce nombre, 85 % s’établissent à Montréal, et entre 10 et 15 % sont des cas de réunion de famille.

Pamela Rodrigue est agente d’intégration et de sensibilisation en immigration au Carrefour Jeunesse Emploi
Les statistiques de 2011 nous révèlent que la Beauce en a accueilli environ 1 000. Les agentes d’intégration aident les immigrants à s’intégrer, car, c’est normal, il y a beaucoup à faire, à apprendre et à intégrer dans une nouvelle culture : du logement et à la nourriture aux multiples procédures administratives avec lesquelles il faut se familiariser.
Premier invité : la famille Thabet
La sélection des panellistes était judicieuse. Édouard Thabet, né au Québec, où son père, Michel, venu du Liban a immigré en 1902, et qui finalement décidé de se fixer en Beauce parce que c’était la région qui était la plus accueillante pour ce qu’on appelait, dans le temps de mon grand-père, un « voyageur », qui était un vendeur, ou un représentant itinérant, fournissant des produits nécessaires et aussi de luxe.
Ayant parcouru une partie du Québec à pied, la décision de Michel Thabet de rester en Beauce, où il arrive en 1929, n’était pas fondée sur une publicité quelconque, mais sur une solide expérience.
En plus de retracer le parcours de son père, monsieur Thabet a décrit avec plusieurs anecdotes amusantes son passage au pays natal de son père, où il est retourné pour visiter sa grand-mère. Il y a aussi rencontré celle qui allait devenir son épouse. Toute cette expérience grâce au fait que sa langue maternelle était l’arabe, la langue du pays. Il pouvait donc communiquer facilement. Rien ne serait arrivé sans cet atout.

Édouard Thabet, fils de Michel, est un excellent conteur, Pier Dutil est tout ouïe, le public aussi.
Ti-Tune Chen
Né d’un père Chinois cantonnais ayant émigré à Madagascar en 1937 pour y refaire sa vie, le très connu propriétaire d’un dépanneur chinois nous raconte son parcours, qui l’a mené de Madagascar, à la France, puis au Québec, à Sherbrooke, où il entend le député Fabien Roy parler de la Beauce comme du « Japon du Québec ».
C’est au début des années 80 que Saint-Georges voit arriver celui qui « veut vivre comme les gens d’ici », que tout le monde appellera Monsieur Chen. Vendeur au départ, il fait des études de marché dans ses temps libres et cible le dépanneur de Youville Mercier sur la 90e Rue. Il en fera l’acquisition, pour, en 1984, construire son commerce actuel.
Ce n’est pas lui qui le dit, mais moi qui l’ajoute, le déplacement en vaut la peine pour trouver des revues spécialisées, comme nulle part ailleurs. On peut bien faire une petite publicité pour celui à qui on doit les bateaux dragons, qu’il avait créé pour faire plaisir à son père. Il a fait plaisir à tout le monde finalement.

Ti-Tune Chen, un pince sans rire. Les Québécois achetaient des petits Chinois, qui eux achetaient des petits Indiens
À quelqu’un qui lui disait que plus jeune il achetait des petits Chinois, il répond qu’eux achetaient des petits Indiens.
Lydie Tipaka
Originaire de l’île de La Réunion, qui est une possession française près de Madagascar, une délégation du Cégep Beauce-Appalaches la recrute avec une soixantaine de compatriotes pour venir étudier en Beauce. Le Cégep, en recherche de clientèle, profitait du fait qu’une entente entre le Québec et la France permet aux étudiants de payer le même tarif que les Québécois ou que les Français. Les étudiants étrangers paient d’habitude un montant très supérieur.
En campagne électorale, Philippe Couillard a parlé d’annuler cette entente, mais bon… il changera peut-être d’idée.
Après deux ans à faire la navette entre son appartement et le Cégep exclusivement, Lydie trouve difficile de s’intégrer. « Vous êtes un peuple soudé », affirme-t’elle. Cependant, le destin veillait au grain. Un couple, Francine et Renald, entre dans sa vie et change la situation complètement. « Il faut refaire des contacts », déclare maintenant la radieuse nouvelle jeune maman.
Son impression du début la plus forte. « La neige qui tombe, c’est magique ». Ce qu’elle apprécie en Beauce est le « calme, la tranquillité et la sécurité ».
Un souvenir d’un événement malheureux, ou une expérience qui a mal tourné. Un peu cocasse en fait. Un certain soir, les 63 Réunionnais décident d’aller en ville et se rendent tous ensemble dans un bar à la mode. Sans aucune arrière-pensée, évidemment.
Cependant, il semblerait que la faune locale ait perçu cela comme une sorte d’invasion, une re-création de la bataille des bars d’Abraham dont il est question en histoire. Fondu sur la scène suivante, la salle d’urgence de l’hôpital où d’un côté sont assis les blessés noirs et rouge et de l’autre, les blancs et rouge.
D’après madame Tipaka, le service policier aurait conseillé de s’abstenir de sorties pour un petit mois, histoire de laisser retomber la poussière.
Après 7 ans chez nous, Madame Tipaka vient d’obtenir sa citoyenneté, demeure à Saint-Georges, a fondé une famille et est présentement à l’emploi du Carrefour Jeunesse Emploi de Beauce-Sud.