La vie de l’abbé Alfred Quirion, partie 2
Par: Jean-Nicol Dubé

Photo prise à Saint-Georges de Beauce le 12 Juin 1938 lors de la première messe dans l’église paroissiale de l’abbé Alfred Quirion. On le voit ici au centre entre ses parents et entouré de sa famille, de ses précepteurs de Québec ainsi que d’autres jeunes prêtres ordonnés comme lui le 8 juin 1938.
Nous vous présentons un deuxième article, assez long, sur la vie mouvementé d’un Beauceron qui a connu une fin tragique. La première partie est la vie d’Alfred Quirion, suivi d’un résumé chronologique et finalement de sa généalogie. On peut retrouver notre premier article sur la vie de ce prêtre hors du commun ici : https://beaucemagazine.com/?p=14047
Il est né le 21 janvier 1911 à Saint-Georges de Beauce d’une famille de cultivateurs. Ses parents, M. Olivier Quirion et Mme Flavie Loubier ont eu douze enfants dont il est un des plus jeunes. On comprendra que le jeune Alfred a été initié aux différents travaux de la ferme, mais il est facile de deviner qu’il aimait cela quand on connaît son futur engagement pour la J.A.C.
Études
À 13 ans, Alfred va poursuivre ses études au collège de Lévis. Il sera pensionnaire au Patronage de Saint-Vincent-de-Paul puis à l’École Apostolique. Il ira ensuite au Grand Séminaire de Québec pour faire sa théologie. C’est le 8 juin 1938 que le cardinal Jean-Marie Villeneuve l’ordonne prêtre. Pendant son séjour à Québec, il s’est occupé de l’organisation des terrains de jeux. Son premier mandat fut celui de vicaire dans la paroisse de Saint-Isidore de Dorchester de 1938 à 1942, puis il va à Saint-Samuel de Frontenac jusqu’en 1944.
En 1939, sa famille va s’établir à Saint-Jean-de-la-Lande. Habile de ses mains et d’une grande force physique, le jeune prêtre de six pieds et deux pouces, et d’environ deux cents livres, va aider ses frères à construire la nouvelle maison familiale.
Son ministère
Dès le début de son ministère à Saint-Isidore, l’abbé Quirion travaille auprès des jeunes par l’entremise de l’organisme Jeunesse Agricole Catholique (J.A.C.). Ses connaissances personnelles et son travail efficace sont appréciés par ses supérieurs au point qu’en 1944, il est promu assistant-aumônier de la J.A.C., du diocèse de Québec. Il devient le premier aumônier à consacrer tout son temps au mouvement.
Finalement, en 1946, il sera l’aumônier chargé du mouvement de la J.A.C.. Sa nouvelle tâche l’amène à voyager dans tout le Québec rural pour y rejoindre les cultivateurs de toutes les régions afin de mieux connaître leurs différents problèmes. Dès cette époque, sa voix se fait entendre à la radio dans l’émission « l’Éveil Rural. » Une des grandes difficultés du monde agricole était le manque de bonne terre de culture pour établir les fils de cultivateurs. L’abbé Quirion a œuvré pour ouvrir les régions de colonisation telle l’Abitibi-Témiscamingue. Il fonda la paroisse de Guyenne en Abitibi avec l’aide de quarante jeunes jacistes, garçons et filles, sur une base de coopérative. Ce fut un succès et la paroisse existe toujours. Il était un des principaux responsables de la « Société de l’établissement rural » dont le siège social est à Montréal. Il était actif dans la Beauce, les Cantons de l’Est et au Lac-Saint-Jean.
En 1948, son travail l’amène à visiter l’Ouest canadien, dont les diocèses du Manitoba et de l’Alberta. C’est lors de ce voyage qu’il rencontre à Prud’homme l’abbé Maurice Baudoux. Il se lie d’amitié avec celui qui devient, cette année-là, l’Évêque du jeune évêché de Saint-Paul, en Alberta. L’abbé Quirion découvre que la population canadienne-française et catholique qui y réside est dispersée sur un très grand territoire. La population de ces provinces est très pauvre, les prêtres y sont peu nombreux, la relève se faisant rare, tandis que la tâche est grande.
Le dévoué abbé souhaite aller œuvrer en Alberta, et c’est en 1949 qu’il en fait part à Mgr Maurice Roy de l’évêché de Québec avec l’appui de Mgr Baudoux. Sa demande étant acceptée, il part sans tarder comme prêtre missionnaire. Il se voit confier la cure de la paroisse de Vilna en Alberta, située à l’ouest de Saint-Paul. Cette paroisse est presque exclusivement anglophone, alors qu’il ne parle pas anglais. Sans attendre, il se met à l’apprentissage de cette langue qu’il maîtrisera rapidement.
L’année suivante, il est transféré à Elk Point, village situé au sud-est de Saint-Paul, plus près de la rivière Saskatchewan-Nord. Cette paroisse est pauvre et les catholiques peu nombreux. La première tâche que l’abbé Quirion s’assigna, fut de visiter toutes les maisons de sa nouvelle paroisse, aussi bien la population catholique que non catholique et cela peu importe l’accueil qu’on lui réservait.
À Vilna et à Elk Point, il sut se faire respecter par son dévouement et sa générosité. Il a converti plusieurs personnes au catholicisme, il lui arriva de baptiser des adultes russes, polonais et d’autres nationalités. Il a lancé de nombreux mouvements d’Action catholique qui sont restés florissants et qui perpétuent son œuvre.
Les connaissances de l’abbé Quirion des problèmes de la colonisation et son expérience auprès des colons canadiens-français amènent Mgr Baudoux à le nommer en 1951, curé à Saint-Édouard, paroisse située à quelques milles au nord de Saint-Paul. Une de ses tâches sera de peupler cette région de bons catholiques francophones. Pour la réaliser, l’abbé Quirion entreprit le recensement des bonnes terres disponibles sur le territoire de la paroisse de Saint-Édouard. Par la suite, il effectuera une moyenne de deux voyages par année au Québec pour convaincre des cultivateurs de chez nous d’aller s’établir dans l’Ouest.
En 1952, le successeur de Mgr Baudoux (transféré à l’archevêché de Saint-Boniface, au Manitoba), Mgr Philippe Lussier créa « l’Action Rural » à Saint-Paul et nomma l’abbé Quirion directeur de ce mouvement. Ses tâches au sein de cet organisme étaient la rédaction et la publication des « Cahiers d’établissement rural ». C’est lui qui a effectué le travail du relevé statistique des fermes disponibles sur le territoire de la ville de Saint-Paul. Il y avait la possibilité d’établir au moins mille familles sur ce grand territoire, sur des fermes déjà toutes prêtes à les recevoir.
Grâce à ses voyages au Québec, où il donnait des conférences sur l’Ouest canadien ainsi qu’à ses messages diffusés à la radio à des émissions comme « le Réveil Rural », dix-sept familles l’ont suivi en Alberta en deux ans. Il a eu particulièrement du succès en Beauce. Son frère Adolphe l’a suivi avec sa famille ainsi que celle de sa sœur Anna et de son mari Sévère Champagne.
Mais voilà qu’il est temps de réaliser le grand projet qu’il caresse depuis trois ans, construire une nouvelle église à Saint-Édouard pour mieux servir la population catholique grandissante. En décembre 1954, il démissionna du poste d’aumônier de la J.A.C. ainsi que du poste qu’il occupait à l’Action catholique du diocèse de Saint-Paul. Il désire consacrer toutes ses énergies à planifier et réaliser cette construction. Une grande partie de son temps sera utilisée pour trouver le financement de ce beau projet. Il comptait pour beaucoup sur la générosité de la population québécoise.
À cette époque, le salaire de l’abbé Quirion était de 125.00 $ par mois. La majorité de cette somme servait à faire la charité au plus démuni. Il n’avait, disait-il, besoin de rien pour lui-même, il vivait dans la pauvreté absolue se contentant de repas frugaux, au point que Mgr Baudoux dut intervenir pour exiger qu’il prenne au moins un repas complet par jour. Sa réputation de bonté et de générosité était tellement connue que les gens le surnommaient le saint Vincent de Paul de l’Ouest. Les anglophones le nommaient « The Penniless Priest », c’est-à-dire ‘Le Prêtre sans le sou’.
Le 8 janvier 1955, l’abbé Quirion entreprend un voyage dans son auto, une Météor ‘Niagara ’ 1954, don de ses paroissiens, pour répondre à ses besoins dans ses nombreux déplacements. Le but de ce voyage est de reconduire cinq séminaristes à l’archevêché de Saint-Boniface situé au sud de Winnipeg au Manitoba. Un très long périple de 1 500 milles devant traverser la province de la Saskatchewan. Lors de son retour, il doit ramener sa nièce et son mari qui reviennent de leur voyage de noces au Québec.
Le dimanche 9 janvier, il quitte seul l’archevêché, car sa nièce n’est pas au rendez-vous. C’est la dernière fois que ses amis, Mgr Baudoux et l’abbé De Roo le verront vivant. Il est 1 h pm.
Sur sa route vers sa paroisse, l’abbé Quirion croise trois jeunes montréalais à Portage-la-Prairie, ville située à 55 milles à l’ouest de Winnipeg. Il n’aime pas prendre des auto-stoppeurs, il a peur des intentions de ces inconnus. Mais là, sa route sera longue… Se sera-t-il fié à la bonne apparence de ces jeunes gens ? Toujours est-il qu’il les a fait monter dans sa voiture. Il est 3 h pm.
Quelques milles plus loin, sur la route No 1, à 5 ou 6 milles à l’est de Brandon, il y aurait eu une altercation avec ses passagers, peut-être même lutte; les ecchymoses sur le visage du corps du prêtre le laissent supposer. Guy Ferragne, un des trois adolescents, avouera lors de sa déposition, avoir menacé le prêtre avec une arme à feu pour le voler et s’emparer de l’auto. Mais dans sa nervosité, il a tiré trois balles de revolver .32; deux ont atteint l’abbé Quirion dans son bras droit et la troisième balle a pénétré par le côté droit pour atteindre le cœur. La mort a été rapide. Comme c’est l’abbé qui conduisait, la voiture a quitté la route pour prendre le fossé vers la droite et s’immobiliser dans la neige. Il est 4 h pm.
C’est ainsi qu’à douze jours de son 44e anniversaire de naissance s’achevait la vie de ce dynamique pasteur catholique, et que prirent fin ses rêves et ses projets d’avenir. L’abbé Quirion était un grand patriote et un prêtre exemplaire, sa tragique disparition a causé un deuil profond dans le diocèse de Saint-Paul, où les colons canadiens-français pleurent la perte d’un vrai père et d’un précieux appui. La nouvelle s’est répandue au Québec, où ses nombreux amis sont attristés par sa mort, mais, encore plus, ils sont conscients de la perte que cette mort représente pour la société et la chrétienté.
Dès le mercredi 13 janvier, la dépouille, de l’abbé Quirion, fût transportée par train depuis Brandon, Manitoba, jusqu’à sa paroisse de Saint-Édouard en Alberta. Son corps fut exposé en chapelle ardente dès 7 h pm. Le jeudi matin, un service funèbre fut chanté à Saint-Édouard devant de nombreux paroissiens inconsolables.
Le cercueil fut transporté dans un corbillard vers la cathédrale de Saint-Paul. Vendredi à 10 h am, S.E. Mgr Philippe Lussier présidait la cérémonie du service funèbre assisté de Mgr S. Loranger P.D., curé de Sainte-Lina. Tandis que Mgr Maurice Baudoux a fait une longue et touchante homélie. De nombreux prêtres étaient présents et l’église-cathédrale était bondée. Le cercueil de pin était recouvert avec les insignes sacerdotaux du défunt : l’étole blanche et rouge, et sa barrette. On écouta avec émotion les hommages de sa sœur Anna Champagne, d’une nièce Alberte épouse de Bernard Doucet, d’un cousin Rosaire Morin, séminariste.
Un long cortège accompagna la dépouille depuis Saint-Paul jusqu’au cimetière de la paroisse de Saint-Édouard où le prêtre missionnaire repose depuis parmi ses chers paroissiens.
Simultanément, un autre service funèbre fut chanté à Saint-Jean-de-la-Lande dans sa Beauce natale devant ses parents et amis endeuillés et incrédules devant cette perte inconcevable et survenue de façon si tragique.
Résumé de la vie de l’abbé Alfred Quirion, 1911–1955
1911 : né le 21 janvier à Saint-Georges de Beauce ; fils d’Olivier et de Flavie Loubier.
1923 : Il fait ses études secondaires à Lévis ; puis sa théologie au séminaire de Québec.
1938 : Le 8 juin, il est ordonné prêtre par S.E., le cardinal Jean-Marie Villeneuve.
1938 – 1942 : Il est vicaire à Saint-Isidore de Dorchester.
1942 – 1944 : Il est vicaire à Saint-Samuel de Frontenac.
1944 : Il est nommé assistant-aumônier de la J.A.C., du diocèse de Québec.
1946 – 1951 : Il devient l’aumônier de la J.A.C. (Le premier à temps plein)
1946 : Avec 40 jeunes de la J.A.C., ils fondent la paroisse de Guyenne en Abitibi.
1948 : Il effectue un voyage pour l’action catholique dans l’Ouest canadien.1949 : il fait une demande à Mgr Maurice Roy pour aller travailler en Alberta.
1949 – 1950 : Mgr Maurice Baudoux le nomme curé de la paroisse de Vilna en Alberta.
1950 – 1951 : Il est transféré curé à la paroisse de Elk Point en Alberta.
1951 – 1955 : Il devient curé de la paroisse de Saint-Édouard, Alberta.
1952 : Il est aussi directeur de l’Action Rural du territoire de l’évêché de Saint-Paul, Alberta
1954 : Au mois de décembre, il démissionne de ses fonctions comme aumônier de la J.A.C. et directeur de l’Action catholique, pour se consacrer à la construction d’une nouvelle église à Saint-Édouard.
1955 : Début janvier, l’abbé Quirion entreprend un voyage de 1500 milles pour
reconduire cinq séminaristes à l’archevêché de Saint-Boniface au Manitoba.
1955 : Le dimanche 9 janvier, il prend la route pour revenir dans sa paroisse en Alberta.
1 h 00 pm : il quitte Mgr Baudoux seul dans sa voiture.
3 h 00 pm : il prend trois auto-stoppeurs à Portage-la-Prairie.
4 h 00 pm : il est tué de trois balles dans sa voiture près de la ville de Brandon.
Généalogie d’Alfred Quirion
Olivier Quirion 26-09-1892 Flavie Loubier
Saint-Georges
Isidore Quirion 21-11-1843 Angèle Poulin
Saint-Georges
Jean Quirion 06-02-1804 Marguerite Lessard
Saint-François
Ignace Quirion 21-06-1762 Marguerite Pouliot
Saint-Joseph
Joseph Quirion 27-06-1720 Marguerite Giroux
Québec Julien Quirion vers 1690 M.-Anne-Frs. Lavergne
À propos de la Société
La Société de Généalogie niche au 4e étage du centre culturel Marie-Fitzbach, à Saint-Georges de Beauce.
Heures d’ouverture : Tous les dimanches après-midi (sauf durant les jours fériés) de 13 h à 14 h 30.
On peut rejoindre Jean-Nicol Dubé à cette adresse : [email protected]
Vous êtes invités à visiter notre site web ici : http://genealogie.beauce.voila.net