UN FILS DE SAINT-JEAN DE LA LANDE ABATTU D'UNE BALLE EN PLEIN COEUR
L’abbé Alfred Quirion, de Saint-Jean de la Lande, Partie 1

Souvenir de la première messe célébrée par l’Abbé Alfred Quirion en Beauce, Juin 1938. NDLR : Je ne comprend pas le design surréaliste de la grange. L’abbé est au milieu et à l’arrière de la pointe des enfants.
Nous avons vraiment un grand avantage à connaitre notre grande et petite histoire. Il y a eu des personnes exceptionnelles qui font partie de notre passé et qui gagnent à être connues. Des gens comme Alfred Quirion, dont la vie, la mémoire et l’exemple d’un homme de foi et d’action « sur le terrain », comme on dit maintenant, sont remis en premier plan grâce au travail de Jeanne Péloquin, qui a patiemment mis ce texte en forme.
La vie d’Alfred Quirion, un grand « Jack » de 6’2’’, 200 livres est presque du domaine du téléroman. Voici la première partie de sa vie, celle qui l’a menée au sacerdoce. Nous donnerons un résumé de sa vie et sa généalogie dans une deuxième partie.
Laissons la place à Jeanne Péloquin.
Il y a deux ans déjà, j’effectuais la transcription de plusieurs articles de journaux provenant de ‘La Patrie’ et de ‘Allo Police’ datant de 1955–1956. Ces articles relataient la fin tragique de l’abbé Alfred Quirion assassiné par de jeunes auto-stoppeurs. J’ai rédigé un article résumant cette triste affaire qui a paru dans votre revue ‘Cherchons’.
Fils d’Olivier Quirion et de Flavie Loubier, l’abbé Alfred est issu d’une grande famille beauceronne au lien serré. Personne parmi eux n’a oublié ce grand missionnaire. De nombreuses photos prises par Alfred dès le début des années 40 sont rassemblées et conservées par des moyens modernes. En plus de ces magnifiques photos, des lettres écrites de sa main nous sont parvenues jusqu’à aujourd’hui. Je les ai transcrites et elles sont rassemblées dans un livret en vente à la société de généalogie.
Après trois mois d’un travail assidu à effectuer toutes ces transcriptions, j’ai fait revivre l’homme, le prêtre et le missionnaire dévoué qu’a été Alfred Quirion. Et aujourd’hui, j’aimerais partager une découverte que j’ai faite à travers sa correspondance, c’est la vie des religieux des années ‘30.
La préparation à la vie sacerdotale est faite d’études sérieuses avec des examens, et ponctué de retraites pour préparer les séminaristes à l’ordination. Voici un extrait d’une lettre qu’Alfred Quirion a écrite à ses parents, daté du 22 décembre 1935 :
Bien Cher Papa, Bien Chère Maman,
Comme vous voyez, Noël approche, et le Jour de l’An et les vacances aussi. Je vous assure que j’ai hâte. Je suis toujours en bonne santé, mais j’ai attrapé un moyen rhume la semaine passée, mais là, je suis clair. J’espère que vous êtes toujours bien et que tout marche bien dans les travaux.
Nous autres, on a passé la semaine passée en retraite fermée, et hier, j’ai reçu deux petits ordres ; maintenant, j’aurais le droit de bénir le pain et les fruits. On a eu une belle retraite. La classe finit demain et nous commençons nos examens tout de suite après, jusqu’aux vacances ; ça va être un temps de fatigue. Mais j’ai de la graisse de reste cette année et ce n’est pas ça qui va me mettre à terre.

L’abbé Albert Quirion. Les femmes de 2014 diraient « beau bonhomme ! » Celles de 1938 devaient le dire aussi, ou à tout le moins le penser
Le temps passe et les étapes vers la prêtrise se poursuivent sans discontinuer. Voici l’extrait d’une autre lettre qu’Alfred Quirion a écrite le 22 avril 1937 :
Bien Cher Papa, Bien Chère Maman,
Votre dernière lettre m’a causé bien de la joie et je comprends votre contentement de voir que je suis appelé au Sous-diaconat. Je suis content de voir aussi que vous allez assister à cette cérémonie.
C’est de valeur de ne pas pouvoir vous réserver des places. Vous allez être obligés de vous mettre entre les colonnes et on ne voit pas l’autel partout, mais on peut voir dans le chœur. Puis quand la cérémonie sera commencée, s’il reste des places libres au milieu, vous pourriez peut-être les avoir. En tout cas, vous direz à ceux qui ne peuvent pas venir, de se tenir prêts pour la fin de septembre, quand je serai sous-diacre ; là, vous pourrez prendre n’importe quelle place, mais ça ne sera pas aussi beau.
Vous tâcherez d’arriver avant sept heures, parce que, tout de suite au commencement, on va être 70, tous habillés en blanc, et couché par terre, ça va être beau, et tâchez de ne pas manquer ça. Au commencement de la semaine, j’ai mallé une quinzaine de lettres. J’ai invité tous ceux que je devais inviter.
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L’étape finale est le sacrement du sacerdoce, mais aussi la première messe dite dans la paroisse du jeune prêtre devant sa famille, ses amis et en présence d’autres prêtres : parmi lesquels on compte certains de ses professeurs ainsi que des confrères de classe, qui ont pu se libérer et participer à cette fête avec le nouveau célébrant. C’est « sa journée », la fête qu’il planifie et prépare depuis des mois avec l’aide de sa famille.
L’abbé Alfred Quirion, comme tous les nouveaux prêtres, s’est donné un mal fou à planifier les moindres détails de cette journée exceptionnelle dont les participants ont tous reçu des cartes d’invitation en bonne et due forme, car les places sont comptées. J’ai découvert que c’est l’événement majeur de la vie d’un prêtre, plus importante encore que le jour du mariage pour un couple.
Extrait de la lettre d’Alfred Quirion à ses parents et datée du 22 avril 1938 :
Maintenant, un mot pour le dîner ; il va falloir changer ça un peu, parce qu’il y a une machine de « gros messieurs » de Québec qui vont monter dîner, mais fatiguez-vous pas avec ça, ils ne font pas leurs messieurs, plus que moi.
Voici ce que je vous propose. Mettre la table, chez Livier, comme je l’indique sur le papier ; pour ça, il faudrait qu’il enlève un bout de cloison ; vous lui direz que je le récompenserai pour ça, et la table se continuerait dans la grande chambre, jusqu’au mur du fond. Il devrait y avoir de la place pour 50 personnes. Pour vous aider à payer ce dîner-là, j’ai reçu de l’argent pour ça, et je vous enverrai 10.00 $ et peut-être plus.
Mais ce n’est pas un banquet ; un dîner de fête : de la soupe aux tomates, des patates écrasées, de la viande, du veau si vous en aviez ou du ragoût, puis des desserts avec de la liqueur. Mais au dîner, il n’y aura pas de discours, pas d’adresse, pas de déclamation, juste le dîner, et on retournerait tout de suite chez-nous pour commencer l’après-midi.
Pour les invités, il y aurait tous les enfants, frères et sœurs, beaux-frères et belles-sœurs : ça fait tout de suite 20 ; puis vous deux, Joseph Veilleux ; une dizaine de prêtres, moi, cinq ou six de Québec ; ça fait 40, puis mettons une dizaine d’autres : ma tante Manda et Célina, Ludger et Arsène Dionne, la femme à Gédéon Gagné ; chez Talbot ; ça ferait une cinquantaine. Vous me direz ce que vous en pensez ; je vous propose ça tout simplement, mais vous ferez à votre goût, et vous me le direz le plus vite possible, parce que j’attends ça pour vous envoyer mes cartes d’invitation.
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Le grand jour de l’ordination est proche, Alfred Quirion s’exclame dès le début de cette lettre à ses parents :
Dans une semaine !! Je ne le crois pas. Nous entrons en retraite demain soir, samedi, à quatre heures. Je vous demande de continuer vos bonnes prières pour moi, et de faire prier les enfants.
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Et enfin ! Voici le jour de SA première messe officielle en Beauce dite en juin 1938.
Sur la photo qui accompagne ce texte, on voit l’abbé Alfred Quirion assis entre ses parents et entouré de sa famille. À la gauche de la photo se sont regroupés les prêtres venus de Québec.
Texte et recherche Jeanne Péloquin
Note : L’abbé Quirion fut ordonné prêtre le 8 juin 1938, à la basilique de Québec. Il célébra sa première messe le 11 juin 1938 à la Basilique de Québec et sa deuxième à Saint-Georges de Beauce le 12 juin 1938.
Sources :
La carte souvenir de son ordination et un article de Mme Alice Lachance paru dans le bulletin de L’Association des familles Pépin, Lachance et Laforce.
Les lettres de l’abbé Alfred Quirion.
La mémoire de Mme Clément Quirion.
Si vous possédez des documents, photos ou articles de journaux en accord ou désaccord avec ces dates, j’aimerais en avoir une copie pour publication dans notre bulletin.
On peut retrouver le second article sur l’abbé Alfred Quirion ici : https://beaucemagazine.com/?p=14115
Jean Nicol Dubé SGBce.
À propos de la Société
La Société de Généalogie niche au 4e étage du centre culturel Marie-Fitzbach, à Saint-Georges de Beauce.
Heures d’ouverture : Tous les dimanches après-midi (sauf durant les jours fériés) de 13 h à 14 h 30.
On peut rejoindre Jean-Nicol Dubé à cette adresse : [email protected]
Vous êtes invités à visiter notre site web ici : http://genealogie.beauce.voila.net