BOURG DU DRAGON
Nicolas Cliche fait revivre son père avec brio

Suzanne Bougie a interviewé monsieur Nicolas Cliche qui a partagé et échangé avec l’audience des souvenirs de la vie de son père, Robert. Le tout dans une bonne humeur contagieuse.
Grâce au Bourg du dragon, Nicolas, un des fils de celui qu’on appelait « le juge Cliche » a, tel un peintre verbal, brossé, tantôt à larges coups de pinceau, tantôt à couches délicates, voire subtiles, un tableau mouvant, évoluant et coloré de son père Robert Cliche, et de sa mère Madeleine Ferron, personnages presque indissociables.
Ceci, devant une cinquantaine de personnes réjouies, réunies à la bibliothèque Marie-Fitzback, où Nicolas Cliche a révélé « l’attachement incommensurable pour la Beauce » qu’avait Robert Cliche, qu’il décrit comme « bruyant, fanfaron, éloquent, très drôle ». Il a été matelot et officier de la marine, avocat, juge, politicien (pour les idées et non pour l’argent), écrivain, propriétaire terrien (jusqu’à 600 acres à Saint-Zacharie), amoureux d’histoire et profondément humaniste. Tout un menu.
Une excellente animatrice
La meneuse de jeu, Suzanne Bougie, avait fait ses devoirs. Il faut savoir que pour plusieurs aux cheveux blancs parmi l’audience, la vie, l’oeuvre et les écrits de Robert Cliche et de son épouse Madeleine Ferron étaient loin d’être inconnus.
Il était évident que la madame avait lu, s’était intéressée, informée, et plusieurs livres annotés montraient qu’elle savait où elle allait. Le lien d’échange était établi avec son invité, permettant à celui-ci de se livrer en toute confiance au public.
Et il en a dit beaucoup. Le tout sur fond de scène de photos montrant différents aspects et différentes époques dans la vie du grand beauceron, qui contribuaient à enrichir les dialogues.
Une audience souriante
Encore là, le plaisir était multiplié si quelqu’un avait connu, ou avait lu, bref connaissaient Robert Cliche et son épouse Madeleine Ferron. On voyait des hochements de tête et des sourires dans l’audience quand les faits étaient connus et des yeux qui s’agrandissaient et des sourcils qui se levaient pour des inconnues révélées.
Sasspeuti !
Un exemple d’yeux écarquillés. « J’avais 20 ans, le téléphone sonne et la voix au bout du fil dit “un instant, le premier ministre du Canada va vous parler”… Salut Robert, c’est Pierre. » C’était Pierre-Elliot Trudeau qui appelait son ami Robert Cliche. « Je croyais rêver », avoue Nicolas Cliche en ajoutant aussitôt : « mon père connaissait tout le monde ».
Nicolas Cliche
Un visage mobile et une bouche mobile d’orateur ne sont pas toujours faciles à capter sur pellicule, car ils sont presque toujours en mouvement. C’est le cas de Nicolas Cliche. En l’écoutant et le regardant parler, le public présent a presque la sensation de revivre les péripéties de la vie de Robert Cliche à la vitesse de la mobilité des expressions faciales.
Les enregistrements sur film c’est merveilleux de pratique, mais rien n’égale une présence physique dans la salle, pour une expérience totale.

Monsieur Cliche a échangé directement avec l’audience à plusieurs reprises. On voit Robert Cliche plus âgé, près d’un lac, peut-être à Saint-Zacharie où il avait des centaines d’acres de terres.
Des anecdotes
Il serait futile d’essayer de résumer la causerie, mais on peut facilement en illustrer de petites vignettes que vous pourrez animer dans l’imagerie mentale que nous avons tous plus ou moins. Allons-y de quelques anecdotes choisies un peu au hasard, glanées dans l’énorme matériel transmis dans ces 90 minutes.
Vers les années 1940 à 45, il y avait environ 400 étudiants à l’Université Laval. Seuls les gens fortunés pouvaient y envoyer leurs enfants, ce qui ne voulait pas dire qu’ils étaient les plus doués.
Robert Cliche était très sensible à ce phénomène et a gardé des amis de Saint-Joseph, des gens brillants (plus que lui, disait-il) qui n’avaient pu s’instruire et qu’il consultait sur les grands problèmes de société. Il demande à trois de ces amis ce qu’ils pensent de l’avortement. « On va y penser ». Leur jugement tombe : « c’est la femme qui porte l’enfant. On [les hommes] n’a pas un mot à dire ». Trente ans plus tard, la Cour suprême du Canada dira la même chose.
Jouait aux cartes avec René Lévesque et Jean Marchand.
En provenance de Saint-Georges où ils viennent de donner un spectacle, probablement à la salle paroissiale, en 1951, Jacques Normand, un ami très proche, Pierre Roche, Charles Aznavour et Aglaé font la fête avec vins et fromages chez Robert Cliche à Saint-Joseph jusqu’à 3 heures du matin.

Monsieur Nicolas Cliche était enchanté de recevoir un tableau de Philippe Lambert, qu’il connait bien.
Nicolas Cliche affirme avoir vu passer à la maison Gérald Godin, Pauline Julien, Gilles Vigneault, Carole Laure et bien d’autres.
Le soir de la mort du juge Cliche, Brian Mulroney, à ce moment premier ministre du Canada, qui considérait Robert Cliche son mentor et un peu comme son grand frère, appelle en larmes. C’est le jeune Nicolas qui est au bout de la ligne.
Chaque mercredi, quand c’était possible, Robert Bourassa soupait avec Robert Cliche à Québec. Bourassa aimait avoir l’heure juste fournie par son ami Robert.
Ce sera ce même Bourassa qui nommera met Robert Cliche à la tête de la commission qui portera son nom, avec Guy Chevrette et Brian Mulroney, en 1974-75.
Robert Cliche deviendra le chef du nouveau parti démocratique, le NPD Québec. Il sera battu par Jean-Paul Racine, libéral qui obtiendra 10 000 voix contre les 8 000, déjà un tour de force, du juge Cliche.
Avant de devenir un prix, un CLD et une autoroute, Robert Cliche, c’était quelqu’un.
D’autres à venir
« C’est vers ce genre d’activités qu’on veut se diriger », affirmera Claude Provost à la fin de la soirée, sous les applaudissements. Bravo au Bourg du dragon pour avoir fait revivre un artisan de notre histoire qu’il ne faut pas oublier.

Enchanté du succès de l’activité, Claude Provost, du Bourg du dragon, a déclaré que c’était le genre d’événement vers lequel l’organisation comptait se diriger.
Note
L’historien Pierre C. Poulin a fait paraitre un livre en 2009, Robert Cliche, juge, politicien et humaniste, Les Presses de l’Université Laval.
Le livre Les Beaucerons ces insoumis de Madeleine Ferron, suivi de Quand le peuple fait la loi, de Robert Cliche, est encore en librairie et intéressant à lire ou à relire.