Cracher le feu aux bateaux dragons
Par: Joffre Grondin
Les bateaux-dragons, une tradition maintenant établie à Saint-Georges grâce à celui qu’on appelle Monsieur Chen — qui l’avait organisé en 2006 pour faire plaisir à son père — ont filé sur l’eau samedi, propulsé par des rames fermement tenues par des femmes et des hommes en forme, par une température très favorable pour les 33 équipes participantes.
La température était tellement favorable, qu’à un moment donné, frisant les 36 degrés à l’ombre, on se demandait si elle ne l’était pas trop. Et on ne parle même pas de ceux qui rament, uniquement de ceux qui regardent. Il s’est bu beaucoup d’eau.
Chaque équipe devait fournir environ 55-60 secondes d’effort intense. Trois fois. Ils ont dû boire beaucoup plus d’eau que les spectateurs. Heureusement, ils sont en forme. Même si chaque équipe n’avait eu droit qu’à un seul essai la semaine dernière, on peut dire qu’elles ont toutes fourni une excellente performance.
Chaque équipe faisait trois courses cette année. Rame, rame, rame, toute la journée, depuis le début de l’avant-midi, dans le va-et-vient continuel des spectateurs des deux côtés de la rivière.
Le grand tableau qui affichait équipes et résultats se remplissait régulièrement, si bien que vers trois heures trente de l’après-midi, on pouvait y lire les noms des quatre équipes qui allaient se mesurer en finale.
L’équipe de Canac avec le deuxième meilleur temps de la journée avec 52 secondes 79 serait le no1 ; avec le meilleur temps, 52:05, le Dépanneur l’essentiel serait no2 ; Clyvanor, avec 52:82 au no3 et Olymel avec 52:89 au no4. Incroyable que 84 centièmes de seconde seulement séparent les équipes.
Un calcul rapide permet de savoir que les bateaux filent entre 3,6 et 3,8 m par seconde, 10 à 12 pieds donc. Du point de vue d’un photographe, il convient donc dans la dernière seconde de prendre trois ou quatre photos pour avoir LA bonne photo qui montre clairement la tête du dragon qui traverse la ligne.
Plusieurs membres des équipes viennent consulter le grand tableau. On entend des réactions comme « Aïe ! 3 centièmes de seconde » d’un ton incrédule. Perdre par une si minime différence de temps parait en effet incroyable. Mais le moral est solide. Rameuses et rameurs de toutes les équipes semblent heureux de leur rendement et l’ambiance est très bonne sur le terrain.
Pour le moment, on accorde un petit vingt minutes aux équipes finalistes pour récupérer. Ce qui donne le temps de mentionner que Serge Thomassin, coordonnateur de l’événement est heureux de la participation, le maire Fecteau est aux anges et Anne-Marie Rodrigue (IGA), l’animatrice qui ne manque pas d’énergie, également.
Les passerelles sont pleines de gens qui attendent et plusieurs spectateurs vont se chercher un endroit le long des rives pour voir la dernière course à quatre de plus près. Une petite poussée d’adrénaline envahit subtilement le plan d’eau. Qui va l’emporter ?
Photo idéale en vue
Pour la photo à la ligne d’arrivée il s’agit d’être bien placé. Rien à craindre, l’endroit est trouvé et les trois dernières arrivées ont servies de test. Donc, on reste au même endroit pour un succès assuré.
Malgré les avertissements souvent répétés au cours de la journée de ne pas traverser les bandes ou rubans jaunes, qui interdisent de s’approcher trop près de la rivière par sécurité, une mère et son tout petit, qui marche depuis peu, descendent pour se positionner sur une roche tout près, trop près il me semble. La surveillance semble relative, mais enfin, on se mêle de ses affaires.
Peu à peu, une quinzaine de personnes vont la rejoindre. Il y en a qui ne peuvent stationner leur auto entre les lignes jaunes et d’autres qui ne peuvent rester derrière la ligne. C’est une constante. Suivre les lois et les règlements, finalement on dirait que c’est largement optionnel.
Malgré quelques inquiétudes passagères, personne cependant dans la ligne de tir pour la photo parfaite. Tout va bien mon cousin !
Et c’est parti !
Ils sont partis. Cette dernière course est aussi la première à quatre bateaux. Un dernier coup d’oeil si personne ne risque de se trouver dans la ligne de tir. Personne, tout va bien. Ils sont près de la ligne d’arrivée.

On voit clairement que le no2 prenait de l’avance sur la photo. Tout s’est fait en moins d’une seconde.
Clic, clic, clic et AAAAAAAA!! Une tête heureuse, apparue de nulle part, qui a traversé le ruban jaune, se place devant l’objectif dans le dernier tiers de seconde. Un olibrius, qui n’a pas vu qu’à trois pieds de lui se tenait un photographe, reconnaissable à ses deux gros engins, vient de s’arrêter. Kaput la photo parfaite.
Il converse joyeusement de choses et d’autres avec quelqu’un. Il n’a rien vu. Inexplicablement, je pense à Saddam Hussein, à Guy Marcotte, au tueur en série de Boston, à Bashar al Assad et à deux, trois autres qui ne sont jamais là quand on a besoin d’eux pour fracasser une tête sur une roche. Il faut se calmer. Le sermon sur la Montagne fera l’affaire. Bienheureux les creux, car ils verront Dieu ; ça, c’est pour lui. Bienheureux les doux, car ils hériteront de la terre. Dans l’état où elle est, on va passer celle-là. Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ! Yes ! j’y pète la tête. Y doit avoir autre chose. Bienheureux ceux qui sont assez fins pour ne pas s’en faire pour rien… et aller en prendre une petite frette à l’air conditionné. Ça, c’est bon. Ce n’est pas croyable comment trois secondes peuvent sembler longues parfois.
Redevenu Zen
À part ça, c’était une très belle journée. Le Dépanneur Essentiel a battu son record du meilleur temps de 52:05 avec un temps de 51:72 secondes. Ils ont fusionné avec leurs rames. Canac avec 52:72 et Clyvanor avec 53:06 ont franchi la ligne en deuxième et troisième place. Chaque rameur mérite des félicitations. Quel spectacle !
Saint-Georges devrait se creuser les méninges pour trouver d’autres façons de mettre en valeur un si beau plan d’eau.