L’IMPASSE WICKAM
Saint-Martin : non c’est non
Par: Joffre Grondin

Le maire de Saint-Martin, Jean-Marc Paquet et le conseiller Éric Giguère. Les séances du conseil n'ont pas été au beau fixe récemment
Lundi soir à Saint-Martin, y’avait pas grand-chose à faire
On s’est dit « on recommence », faudrait protéger nos puits
On a mis not’ beau butin, une pancarte, des partenaires
Puis là la soirée commence, c’tait passé sept heures et demie
Entrez mesdames entrez messieurs… le maire a mis son bel habit… Plates excuses à Gilles Vigneault et swingez votre compagnie.
Le conseil municipal de Saint-Martin ne veut pas adopter le règlement Wickam, et ce, malgré l’appui au règlement d’une majorité de citoyens. La séance de lundi soir 4 juin a encore confirmé l’impasse.
Que penser d’une telle situation, qui, ne nous le cachons pas se produit de plus en plus dans de nombreuses municipalités au Québec. Dès le lendemain, Saint-Théophile entrait dans la danse à son tour avec un scénario étrangement ressemblant.
Mieux vaut peut-être en rire, car c’est à pleurer, ou presque. Rire aux larmes ? Examinons froidement ce qui se passe quand le fonctionnement d’une institution démocratique arrive au bout de la corde dans une situation précise où élus et citoyens ne sont tout simplement pas d’accord sur la marche à suivre.
On pourrait évidemment introduire le mot « magouille » dans l’équation en déroulement, en faisant semblant de rien, mais ce ne serait pas délicat. Quand même bizarre et inexplicable que le mot nous vienne à l’esprit. Larousse définit magouille comme suit : Lutte d’influence, combinaison douteuse entre des groupes, des organisations quelconques ou entre des personnes à l’intérieur d’un groupe.
Quand ça marche, ça marche très bien
Parlons du monde municipal. Le cadre de fonctionnement des structures actuelles permet de régler les problèmes courants à 95 % au moins, en se basant et en suivant des lois et règlements en place et en les appliquant avec prudence, en demandant avis légal quand nécessaire. En appliquant rigoureusement ces procédures, le conseil actuel de Saint-Martin a atteint et maintenu la municipalité dans une excellente santé financière. Les citoyens consultés furent unanimes sur ce point.

La salle qui a déjà été bondée accueillait une trentaine de personnes à peine. Les autres ont peut-être déduit que tout était décidé qu’il n’y avait rien à faire. Qui sait !
Le conseil du 4 juin dernier de cette municipalité de 2 500 habitants mentionnait notamment un 110 mètres d’asphalte, d’une formation de personnel de 7 000 $ environ et le paiement d’un camion-citerne au prix de 240 271 $, le tout accepté sans un battement de cils par l’assistance. Parce que personne ne doutait de la saine gestion de leur conseil.
Là où le bât blesse
Malheureusement, ce qui fait la force de ces structures, leur stabilité, leur prudence, leurs liens internes les unes aux autres de bas en haut devient une faiblesse quand un événement qui sort de l’ordinaire se présente. L’évident manque de flexibilité saute aux yeux.
Le modus operandi est de suivre la loi et non de la contester. Quand on juge qu’il faudrait la modifier, la norme est la prudence et le suivi de la filière hiérarchique. Cela prend du temps. C’est la position qu’a tout naturellement prise le conseil dans le cas de l’offensive possible de l’industrie du gaz de schiste en région.
Règlement Wickam
Après plusieurs séances du conseil, c’est l’impasse sur le règlement Wickam qui vise à protéger l’eau, pour empêcher les compagnies gazières d’introduire dans le sous-sol des produits chimiques qui seraient susceptibles de polluer l’eau.
Les positions : maintenant vs plus tard
La situation est claire. Une forte pression de la part du comité contre les gaz de schiste accompagné d’une importante représentation citoyenne vise à faire voter le règlement Wickam par le conseil « maintenant », car attendre est dangereux, si on ne fait rien, les compagnies vont en profiter pour commencer, ce qu’ils ont déjà fait. Ils vont continuer, et on ne pourra rien faire pour les empêcher. Faisons au moins ce qu’on peut faire en votant un règlement, quitte à l’amender plus tard.

La passerelle de Saint-Martin : un beau projet communautaire. Malheureusement, dans le cas du gaz de schiste, il ne semble pas y avoir de passerelle entre les positions.
La position du conseil est ferme et forme consensus. « On ne veut pas voter le règlement Wickam ». « L’avocat que nous avons depuis 21 ans, Daniel Bouchard (de la firme Lavery), nous dit que ce règlement est “inopérant” et on se fie à lui », martèlera le maire Jean-Marc Paquet en diverses versions.
Se défendant d’être pour les gaz de schiste, le conseil veut aller dans une autre direction, commander une étude par exemple. Le conseiller Yvan Paré déclare : « On ne fait rien de mauvaise foi, mais on veut quelque chose d’adapté à Saint-Martin ».
Prenons le temps. Mais a-t-on le temps?
Un mot sur Lavery
Une visite sur le site de la firme révèle que Lavery est « un cabinet indépendant mettant tous les secteurs du droit au service du monde des affaires. 175 avocats à Montréal, Québec et Ottawa. Membre du World Services Group, un réseau international d’entreprises de services présent dans 120 pays ».
Dans la salle
Les citoyens sont très bien informés, calmes, un peu bouillants parfois, mais convaincus de l’urgence de la situation. Lavery représente des gazières et des pétrolières affirmera Luc Lapierre, « n’y a-t’il pas conflit d’intérêts » ?
Un citoyen, Jacques Doyon, se référant à l’étude projetée du conseil soulignera très calmement que « l’idée de demander une étude est intéressante, mais les délais sont trop longs ». La crédibilité de M. Richard Langelier, sociologue et docteur en droit est également souligné, de même que le fait de son indépendance.
Tout ça ne mènera à rien, car les deux partis sont trop éloignés pour se rejoindre.
Au cours de la période de questions les propos se sont échauffés à quelques reprises. Ce serait simplement jeter de l’huile sur le feu de les rapporter et cela n’apporterait rien de neuf au débat.
Notons cependant que la tournure des événements est symptomatique de situations de parties qui restent sur leurs positions, rendant tout règlement satisfaisant à peu près impossible.
Des exemples. Les policiers municipaux de la ville de Saint-Georges n’ont pas de conventions collectives depuis 6 ans. Les pompiers de la ville de Québec sont dans la même situation. Tout le bla-bla des parties en présence n’arrivent pas à cacher l’immobilisme.
Et pendant ce temps, en mai, le Vermont a été le premier état américain à interdire l’exploitation du gaz de schiste.
« Les Amaricains, ils l’ont tu l’affaire », dirait Elvis Gratton.