LA SUITE DE L'HISTOIRE
La jambe de Benedict Arnold
Par: Rolland Bouffard, collaboration spéciale

Monument érigé près de l’endroit où Arnold a été blessé à la jambe la deuxième fois. Photo : Rolland Bouffard
L’Américain Benedict Arnold est connu dans la Beauce pour avoir été hébergé par les résidents et pour le nom donné à un hôtel au sud de Saint-Georges.
L’histoire de son passage en Beauce est romancée par le fait que les habitants hébergent et nourrissent Arnold et sa troupe de militaires, fatigués et affamés, alors qu’ils se rendent livrer bataille contre les Britanniques à Quebec City.
Il faut noter que les premiers colons de la Beauce sont, pour la plupart, originaires de la Côte-de-Beaupré où au moment de la conquête, l’armée britannique dirigée par le général James Wolfe a saccagé et brûlé une bonne partie de leurs bâtiments.
Dans les circonstances, le fait que l’Américain Benedict Arnold aille combattre les Britanniques à Québec, incite les Beaucerons à rendre service, offrant gîte et nourriture, sans oublier non plus, qu’Arnold dispose d’un bon compte de dépense pour payer ses frais.
Pour les Beaucerons, Arnold est un personnage agréable, même si après l’échec de la bataille de Québec, ses miliciens reviennent piller le manoir Taschereau de Sainte-Marie. À noter que les Taschereau ne partagent pas la même vision que les Américains, ils se sont plus tôt rangés du côté de Québec, appuyant les Britanniques.
Pour les Américains, Arnold est un traître…
Qui est ce personnage ?
Benedict Arnold naît au Connecticut, son père possède une entreprise prospère, mais suite à de mauvais placements, ce dernier se retrouve ruiné et sombre dans l’alcool. Par contre, la belle famille est à l’aise financièrement, ce qui permet à Arnold d’avoir de bons contacts avec George Washington et d’être à la tête de troupes militaires.
Les Américains, sous la direction de George Washington commandant des troupes (il deviendra plus tard le premier président des États-Unis), rêvent de conquérir le territoire situé au Nord, soit la vallée du Saint-Laurent, alors contrôlé par les Britanniques.
Le scénario est de prendre Québec en procédant sur deux fronts. Arnold remonte la rivière Kennebec et arrive à Québec par la rivière Chaudière tandis que le général Richard Montgomery remonte la rivière Hudson, traverse le lac Champlain, descend la rivière Richelieu et prend Montréal sans rencontrer de résistance. Ensuite, il se dirige vers Québec où les deux armées se rejoignent à l’automne 1775.
La bataille a lieu à la fin de 1775. Le 31 décembre en pleine tempête de neige, Montgomery est tué et Benedict Arnold est blessé à une jambe.
Le cours de l’histoire vient de prendre une direction… Si les Américains avaient gagné la bataille de Québec, le Canada serait-il américain aujourd’hui ?
La deuxième bataille
Arnold s’installe dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu. Mais voilà que d’autres batailles se préparent. Cette fois, les Britanniques rêvent à leur tour de conquérir du terrain vers le sud où les Américains sont installés.

Entrée du parc des champs de bataille à Saratoga Springs, État de New York.
En octobre 1777, la rencontre a lieu dans un champ à Saratoga Springs sur le bord de la rivière Hudson au nord d’Albany dans l’état de New York.
Quelques généraux américains sont déjà sur place. Benedict Arnold quitte Saint-Jean-sur-Richelieu pour les rejoindre. Les batailles se déroulent selon les plans. Mais voilà qu’Arnold dans sa hardiesse prend une décision non autorisée. Il se retrouve dans une série d’attaques farouches, tourne son cheval et se précipite à travers les coups de feu, il est blessé à la même jambe que lors de la bataille de Québec.
Les Américains remportent la victoire et les Britanniques doivent se replier vers le nord. Une autre page d’histoire vient de s’écrire. C’est suite à cette bataille décisive de la révolution américaine que les Américains conservent leur territoire.
Arnold a toujours refusé de faire amputer sa jambe, préférant soulager le mal avec des médicaments.
Reniement
Benedict Arnold, dans son audacieuse initiative contre l’armée allemande qui accompagne les Britanniques à Saratoga Springs, contribue à la victoire des Américains. Mais à cause de querelles antérieures avec les autorités et ses décisions ultérieures, il passe du statut de héros à celui d’un modèle déloyal.
Plus tard, au Congrès américain, la décision est prise à l’effet de ne pas rembourser à Arnold ses dépenses de bataille, étant donné l’impertinente initiative prise sans autorisations, des critiques qu’il entretient à l’égard du général Horatio Gates, et la découverte de plans financiers suspects.
Arnold change son fusil d’épaule, tourne le dos aux Américains et se range du côté des Britanniques. Il déménage à Londres, où il décède en 1801 à l’âge de 60 ans.

Le « Boot Monument ». La partie honnête du personnage.
Pour les Américains, Arnold est un traître. Ils érigent un monument malicieux, le « boot monument » pour commémorer la blessure, mais retiennent que la jambe est la seule partie honnête du personnage.
Le monument est installé près du lieu où Benedict Arnold a été blessé la deuxième fois sur le champ de bataille à Saratoga Springs.
On me demande pourquoi je me suis intéressé à cette histoire ?
Il y a une couple d’années, je voyageais sur un bateau de la Holland America Line. Un soir au souper, j’étais avec un groupe d’Américains à une table de huit personnes. Il y avait des gens du Massachusetts, de l’Indiana et du Texas. On parlait de différents sujets quand l’histoire d’Arnold est arrivée dans la discussion. J’avançais en commentaire que j’habitais la Beauce et que les troupes du général avaient été hébergées par les résidents lors de leur passage. Comme les Américains connaissent leur histoire, leur réaction était moins sympathique envers le personnage.
Je me suis intéressé à cette histoire et en passant par Saratoga Springs, j’ai visité le centre d’interprétation et le National Historical Park. Ce qui a donné naissance à ce texte.