KARINE LAMONDE
Rends-moi ma famille : une lecture indispensable
Par: Joffre Grondin

Karine Lamonde, 292 pages qui cognent
Il s’agissait du lancement d’un livre au bar Bienvenue de Saint-Côme. Le communiqué de presse montrait une couverture de livre avec un visage de ce qui avait l’air d’un enfant avec le titre, Rends-moi ma famille. Peut-être un roman. Aucun autre détail n’est fourni. Le rendez-vous est pris pour rencontrer l’auteur.
La rencontre se tient en fin d’après-midi dans une salle complètement vitrée qui donne sur la rue principale. Cette grande pièce envahie par la lumière qui est une terrasse habituellement animée accueille en ce moment une seule personne, une jeune femme début trentaine, svelte et jolie, qui pourrait être ma fille, et qui m’accueille avec une poignée de main et un beau sourire.
Aucune idée du contenu du livre jusqu’à maintenant. Karine Lamonde a trois enfants, un travail stable et intéressant dans l’imprimerie. Son sourire est engageant, son regard assuré, et sa parole juste.
Et soudain…
Pour faire un effet facile, on pourrait écrire, « soudain, c’est le choc ! » Pour décrire plus précisément, ce serait encore… « Soudain c’est le choc » ! Son histoire est celle d’une survivante. Une enfant qui n’a pas eu d’enfance et qui a réussi à la vivre plus tard, par procuration en quelque sorte, en observant la vie d’une petite fille qu’elle aurait pu être, et qui lui a fait réaliser qu’une enfance heureuse existait.
On pense immanquablement aux paroles d’Aznavour dans « Les enfants de la guerre ». Ces enfants sans enfance, sans jeunesse et sans joie, qui tremblaient sans défense de peine et de froid.
Au fil de l’interview j’apprends que la « normalité » pour elle dans son enfance était une famille où tout le monde, y compris les ‘invités’, consommait de la ou des drogues de toutes sortes.
Imaginez une telle enfance.
Je ne veux pas appeler ça un miracle, mais…
Pourquoi, a-t-elle réussie, quand elle était au plus bas, à dire « non », j’arrête, au lieu de continuer à descendre, elle ne sait pas. Elle avoue cependant qu’il « faut savoir rebondir ».
Citations
Quelques citations plus nombreuses que d’habitude permettent de comprendre le parcours absolument hors du commun de Karine. Le point tournant, inexplicable est :
« Ça a fait ‘non’ à un moment donné ».
« À 12 ans, j’étais solide dedans » (la drogue, jusque vers 17 ans)
« Ma mère nous a abandonnés »
« Y’avait tellement plus de raison de me lever le matin et de faire quelque chose »
« Fallait que ça change. J’avais aucune idée comment. J’ai juste coupé avec ce monde-là et je me suis mis à rester toute seule »
« Les événements ont fait que j’ai été rester chez ma tante ». (C’est également l’infographiste qui a fait la page couverture)
« Elle avait une fille de 3-4 ans et c’est par elle que j’ai compris que la vie pouvait être autrement. Elle avait plein d’amis dans le voisinage et j’ai réalisé qu’on pouvait avoir des amis quand on est petit. Je n’avais pas le droit d’avoir des amis. Mes parents consommaient est ne voulaient pas qu’il y ait des gens qui viennent chez nous ».
« Ma tante s’en occupait et lui lisait des histoires le soir; elle avait une vie d’enfant. J’ai compris qu’il pouvait y avoir autre chose ».
« Ayant vécu dans un environnement où tout le monde consomme, je ne savais même pas que ça pouvait être autrement ».
À un certain moment donné, vers 17 ou 18 ans, elle déclare avoir « coupé sec » . Elle a rencontré quelqu’un et eu trois enfants.
« J’ai pogné l’autre extrême et j’ai fini par trouver un milieu »
« J’ai commencé à écrire »… en apprenant à balancer le négatif avec du positif. « J’avais peur de faire du mal à mes enfants »
L’écriture
Sept ans pour écrire le livre. L’écriture fait revivre les expériences passées. C’est le personnage de Sarah qui vit tout le négatif dans le livre tandis que l’auteur intervient en tant qu’adulte qui peut expliquer le côté opposé pour rassurer l’enfant.
La culpabilité de l’enfant qui pense qu’il est responsable de tout le négatif autour de lui qui revient, « Je pensais que c’était tout de ma faute… je m’en voulais beaucoup »
« Je me sentais tellement responsable de tout que c’était de ma faute quand un de mes enfants avait de la peine ».
Ça arrache…
Il faut une grande force intérieure pour s’en sortir.

Richard Morin, celui par qui le livre est arrivé
Richard Morin, un support vital
Un livre est comme un projet de loi. Beaucoup meurent au feuilleton. Une fois le livre écrit dans sa première version, toute la question de la publication entre en jeu. Il s’agit de corriger, souvent de couper, d’ajouter, de réorganiser. Trouver une maison d’édition, publier à compte d’auteur, distribuer le livre, organiser le lancement sont autant de problèmes à résoudre qui confondent l’auteur. C’est pourquoi plusieurs manuscrits de grande valeur n’ont jamais vu le jour.
Heureusement, Richard Morin était là. Propriétaire d’une imprimerie à La Guadeloupe, il devient enseignant à l’école d’imprimerie de la commission scolaire. C’est là qu’il fait la connaissance de Karine qui est inscrite à ses cours.
Ayant lu ce qu’elle écrivait, il offre sa collaboration. C’est grâce à lui que le livre voit le jour, n’en doutons pas. Ayant vu le potentiel, il a mis en action ses connaissances du milieu pour que le livre voie le jour.
Ceux qui connaissent le milieu de l’édition savent que l’argent n’est en aucun cas la motivation quand il s’agit de ce genre de publication.
Il faut quelquefois s’élever afin que certaines choses voient le jour. Il l’a fait.
Bravo !
En vente
Vous pouvez trouver le livre à la librairie Sélect près du Grand Marché, de même que chez Rose, la librairie la Chaudière aux éditions du Trèfle à quatre feuilles.