LA SAGA DE LA MAISON QUI S’ENFONCE
Le patrimoine dans le trou
Par: Joffre Grondin

C'est quoi ça ? Une maison patrimoniale qui s'enfonce ?
Et la radio jouait ! Jean Charest déclare sa « volonté d’aller au fond des choses ». La commission sur la construction est enfin annoncée, et certains s’époumonent, d’autres retiennent leur souffle, d’autres encore s’arrachent les cheveux. C’est une frénésie d’analyse dans les médias. Quelques quidams quelque part ont sans doute le sourire.
Pas de contrats pour la Davie ? La compagnie est « dans le trou ». Des milliards qui tombent à l’eau. Assez pour faire couler la Davie.
Les spasmes financiers tenaillent l’Europe. Sarkozy sarkoze et Merkel merkélise. Même les proverbes sont confondus, « Méfiez vous des Grecs, car ils ne sont pas des cadeaux ». L’Europe et l’Euro coulera-t-elle et coulera-t-il ?
Qu’y puis-je et qu’y pouvons-nous ? Coupons à travers la brume de problèmes gigantesques et allons au-delà du déprimant bulletin de nouvelles pour jeter un oeil sur quelque chose de léger, au moment précis où on ne s’y attend pas.
Et justement, au moment précis où je n’y pensais même pas, un véhicule dont nous sommes au volant de, roule à une allure ridiculement lente, mais légale et obligatoire sinon…, sur la première avenue à Saint-Georges de Beauce et s’avance mine de rien, comme un crayon sur le papier, du 150 10 sur la droite.
Le 150 10 est le lieu où il y a une maison qui s’enfonce lentement dans le sol. Ou c’est peut être le sol qui remonte autour de la maison. On ne sait trop quand on ne fait que passer.
Parce que d’habitude, on ne fait que passer. Et si on brisait l’habitude. On s’arrête. On sort. Photos. On repart, direction hôtel de ville. Là sont les renseignements. Un avis d’évaluation foncière est disponible pour tous les citoyens pour la modique somme de 0,25 $, vous saviez ça?
De l’info enfin
Quelqu’une nous réfère à un quelqu’un qui « sait tout » qui nous informera sur le cas de la maison qui s’enfonce. On note en passant que ce n’est pas parce qu’on sait qu’on doit tout dire.
Cependant, on apprend que le propriétaire possède un terrain de 29.000 mètres carrés ; 109,39 mètres de façade par 145,90 mètres de profondeur, donc 360 par 478 pieds. Hérité de son père, le bâtiment est la maison paternelle.
En reculant de cinquante ans, ce terrain était sur le bord de la rivière, dans l’écore, donc avait peu de valeur, étant dans une zone inondable. Après de nombreuses années, le propriétaire actuel a décidé d’imiter la Ville lorsqu’elle a conçu l’Avenue de la Chaudière. Du remplissage.

En regardant à droite, on constate qu'on peut sortir la maison si nécessaire.
Il le fit. Oui, madame, il le fit. Pour se retrouver propriétaire d’un terrain de presque 100,000 pieds carrés zoné commercial en plein… centre-ville. Le terme « Centre-ville » étant un terme très élastique, d’accord, mais bon. La valeur ne peut que monter. Surtout que s’il continue le remplissage assez longtemps, le terrain va se retrouver au niveau de la deuxième avenue. Audacieux ? L’avenir est aux audacieux.
Un petit hic !
Tout cela n’explique pas la maison dans le trou. D’après nos drouinesques sources, le propriétaire aurait eu l’intention de déménager la maison. Un examen du côté Usine d’épuration permet de constater que la pente est plus douce de ce côté et qu’il y aurait peut-être eu planification permettant de déménager la maison.
Ah ! La famille !
Pourquoi est-elle encore là ? Nous spéculons. Le propriétaire avait peut-être prévu de déménager la maison vers la fin et des problèmes personnels l’en ont empêché. Accident, maladie, qui sait !
Mais il y a autre chose qu’une « vieille maison dans un trou ».
La maison
Un examen sommaire des détails de style de la maison paternelle permet de constater qu’elle doit friser le siècle d’existence. Il s’agit d’une maison avec toit à deux versants, très répandu dans la région de la Beauce. On a ajouté des galeries autour de la maison. On constate que les poteaux de galeries sont ornés des décorations en bois de l’époque.
L’examen des fenêtres du deuxième étage avec les deux trous qui permettaient la ventilation en hiver sont d’origine. Le style de la porte avant ainsi que les fenêtres avant semblent également d’origine.

Une maison patrimoniale qui pourrait servir à la communauté
Au point de vue strictement de la structure, le bâtiment est droit. Le toit, facteur extrêmement important, ne montre pas de concavité indiquant une faiblesse structurelle. Il semble droit et solide.
Source
Plusieurs informations sur la maison ont été tirées du GUIDE DE RÉNOVATION des maisons anciennes de la Municipalité régionale de comté de Beauce-Sartigan, fièrement signé à la première page par « Rock Jolicoeur, préfet, 1986 ». Ironie de l’histoire.
Conclusion
De cet arrêt au hasard, on peut conclure que voilà une maison qui a été construite peu après 1900 et qui a une valeur patrimoniale importante. Comme le mentionne le document ci-haut cité, « parmi les 1800 maisons traditionnelles inventoriées… onze cas typiques, représentatifs de l’architecture de ce territoire, ont été retenus et étudiés ».
Il est difficile d’ignorer que « la maison dans le trou » fasse partie d’un de ces cas.
Que faire ?
Il est tellement facile de ne rien faire qu’on pourrait y aller à fond. Au point de vue légal, la ville ne peut, à moins de coûteuses procédures, imposer l’enlèvement de la maison. À ce moment, ne rien faire est acceptable. Une maison dans un trou est, à la limite, presque amusante, et certainement pas nuisible d’aucune façon.
Il ne nous appartient pas de juger pourquoi la maison s’est retrouvée entourée de telle façon.
Par contre, en considérant la valeur historique du bâtiment, la donne est changée. Il y tellement de mouvements sociaux qui ont besoin de locaux, qu’il serait dommage de manquer une telle opportunité.
Sauvons la Maison Mercier, devrait résonner auprès de tous ceux qui se cherchent un local et bien d’autres. Si on a réussi à lever 450,000 $ pour le Grand Marché, il devrait être relativement simple d’entreprendre des démarches pour non pas enterrer, mais redonner sa valeur à une maison patrimoniale qui a vu Saint-Georges sur ce qui était autrefois « la rue d’en bas ».
Clin d’oeil et grands mercis à monsieur Yves Drouin, un puits de savoir, dont on devrait informatiser le cerveau pour sa connaissance de l’histoire de Saint-Georges, pour son accueil et ses inestimables renseignements.