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RÉVOLTÉS, ÉCOEURÉS, INDIFFÉRENTS…ALLEZ QUAND MÊME VOTER… OU ANNULER

Par: Joffre Grondin

Dans ce livre publié en janvier 2011, Hervé Kempf soutient la thèse que le pire défi auquel l’humanité fait face à l’entrée de ce troisième millénaire est la crise écologique. Il n’est pas d’autre défi ». Les institutions actuelles ne servent plus l’intérêt collectif, mais donnent le produit de l’activité collective à un petit nombre qui ne jurent que par la prospérité économique et qui disent que la technologie et une croissance constante du PIB sont la clé de tous les problèmes. Pour cet auteur, « ça va mal en tabaslak », comme auraient dit les Cyniques.

L’auteur démontre que la croissance constante est impossible à maintenir, même si elle nous est présentée comme « normale ». La planète ne peut tout simplement pas suffire à la tâche.

Cependant, petite lumière au bout du tunnel, « l’oligarchie peut être renversée, la démocratie refleurir, le peuple prendre en main son destin, l’équilibre écologique se reformer ». Cette démocratie suppose l’engagement actif des citoyens.

La plus grande partie du livre décrit la situation actuelle en grand détail et c’est, admettons le, absolument déprimant parce que le propos « sonne » vrai, exact. Vous avez donc le choix de ne pas vous exposer à une déprime malvenue et aller directement au scénario écologiste qui est à la toute fin dans la section Que faire.

Ne venez pas dire que vous n’avez pas été averti que c’est long, plat et déprimant. On y va quand même.

Dérangeante constatation
Kempf avance une thèse : nous croyons être en démocratie, un régime politique où la souveraineté appartient à l’ensemble des citoyens par l’intermédiaire de ses représentants élus, avec des élections au suffrage universel, mais « on découvre peu à peu que la démocratie n’est plus que le manteau jeté sur la volonté inflexible de l’oligarchie ». Maintenant, ce sont toujours les mêmes qui gagnent au jeu.

Conséquence inattendue de ne pas voter
Kempf suggère que la perception que le jeu est « biaisé » en faveur de quelques-uns amènerait de plus en plus de gens à s’abstenir de voter. Les chiffres sont éloquents : un dramatique creux historique de 40 % ici au fédéral, mais au Parlement de Strasbourg en 2009, c’était un catastrophique 56,8 %.

Un peu partout, l’abstention devient structurelle. S’abstenir de voter « n’est pas tant le rejet du politique que le refus d’un jeu biaisé ». Selon l’auteur, ceux qui s’abstiennent davantage sont « les plus pauvres, les ouvriers et les jeunes » et paradoxalement, ces abstentions renforcent l’oligarchie qui peut ainsi accorder plus d’attention aux désirs de ceux qui votent, généralement les couches supérieures et les électeurs âgés.

Pas follement amusant en somme. Qui sont donc ces gens qui vampirisent le peuple ?

C’est quoi une oligarchie ?
Dans un système oligarchique, le pouvoir est concentré entre les mains de quelques-uns, qui délibèrent entre eux des solutions qu’ils vont imposer à tous. Hervé Kempf observe que depuis trente ans, la démocratie a graduellement glissé vers cette forme oubliée de système politique, l’oligarchie.

Comment trouver les oligarques ? Il suffit de savoir qu’en régime capitaliste, le critère qui donne le statut est la fortune. Un dixième de la population est considéré riche; le 0,1 % supérieur est hyper-riche et depuis 1980, « le groupe des très riches a fait croître sa part des revenus beaucoup plus rapidement que l’ensemble de la société, mais aussi bien plus rapidement que les 10 % de riches ».

L’oligarchie s’enrichit…
C’est dans le 0,1 % qu’on trouve les oligarques. La motivation de ces oligarques est l’argent et le pouvoir qu’elle donne. Contrairement au peuple qui a perdu sa conscience unitaire, ils ont « une conscience de classe aiguisée, une cohérence idéologique sans faille, un comportement sociologique parfaitement solidaire », décrit Kempf.

Une simple recherche sur Commission Trilatérale, le groupe Bilderberg ou sur le Forum économique mondial de Davos est instructive.

Ça ressemble à un combat. À gauche le peuple, à droite les oligarques. La vaste majorité a-t-elle une chance ? Un peu comme David et Goliath avec David qui a oublié sa fronde au dépanneur.

… le reste s’appauvrit
L’auteur soutient qu’il est de l’intérêt des puissants de faire croire au peuple qu’il est en démocratie. Il y a des élections qui changent les gouvernements. Il cite le sociologue anglais Colin Crouch : « le débat électoral est un spectacle soigneusement contrôlé et géré par… des équipes rivales de professionnels experts dans les techniques de persuasion. Le débat porte sur le petit nombre de dossiers sélectionnés par ces équipes ».

Après les élections…
« La politique réelle est définie en privée dans la négociation entre les gouvernements élus et les élites qui représentent de manière écrasante les intérêts des milieux d’affaires » assène Colin Crouch. C’est peut-être l’explication de la fixation pour le gaz de schiste à tout prix au lieu de l’éolien, de ne pas remettre en question la loi sur les mines, de gaspiller 40 milliards d’avions de chasse F-35, d’envoyer des troupes en Afghanistan — pourquoi est-on là pour commencer — l’auto à essence au lieu de l’électrique qui n’en finit plus d’arriver, et quoi d’autre.

Déprimant! Comme disait le sapin au bouleau, « Faut pas se laisser abattre ». Pensons à nos lointains ancêtres qui ont fait face à des mammouths avec des bouts de bois. Ça va mieux ? On prend une gorgée et on continue.

Comment ça s’est fait depuis les années 80
À côté des banques, les fonds de pensions sont apparus, qui gèrent l’épargne retraite et des gestionnaires de portefeuilles à visée spéculative. Cela a démultiplié la puissance du secteur financier. La mondialisation économique s’est traduite par un mouvement de concentration continue. « La puissance du secteur financier est devenue colossale : aux États-Unis, il s’appropriait 40 % des profits totaux en 2007, contre 10 % en 1980 », révèle Hervé Kempf. Imaginez où nous en sommes cinq ans plus tard. Autrement dit, les hyper-riches deviennent plus riches, et presque tous les autres deviennent plus pauvres.

L’oligarchie signifie « mise en coupe réglée de l’État ». Il ne s’agit pas de le ruiner, mais de « régler le prélèvement sans tuer la bête »

Des méthodes pour siphonner
Se faire donner un bonus en quittant une entreprise qu’on a presque ruinée, augmenter sa rémunération en pleine crise, les spéculateurs qui gonflent les profits des banques et des financiers en jouant sur les variations des titres. Bonus bonus bonus.

Il existe une idéologie de la privatisation qui vise à transférer les bénéfices publics au privé. Les entreprises détenues par l’État sont visées. Le but est d’affaiblir le public et de renforcer le privé. On pense à Éducation et Santé. Il y a même eu des rumeurs de privatisation d’Hydro-Québec il y a quelque temps. On est loin de vouloir nationaliser l’éolien. Il y a aussi les partenariats public-privé où le privé construit et l’État paie un loyer des dizaines d’années.

Standard & Poors et Moody’s, des agences de notation privées attribuent des notes, et ce même aux pays, AAA+ étant la plus haute. En plus, la méthodologie d’attribution est cachée au public. Quand la ville d’Athènes est passée de BBB+ à BB+, la Grèce a presque fait faillite.

Manipulation
Avec l’analyse de la psychologie collective, on a découvert qu’il est possible d’orienter la décision des individus parce qu’« émotions et inconscient dominent la formation du choix des individus ». Pensons à la télévision, de ses publicités massives et constantes des « surreprésentations des rapports émotionnels entre individus » et d’un « intérêt démesuré pour les activités sportives » qui mène à un « formatage idéologique ».

En ajoutant à ceci la concentration des médias — au Québec Power Corporation, Québécor et Corus contrôlent presque tous les médias —le fait que les intervenants sont presque toujours des variations sur le même thème et que les voix réellement dissonantes sont rares, il est difficile de secouer le fatalisme qui nous susurre à l’oreille qu’on ne peut rien changer à la situation.

Félicitations pour ceux qui ont tout lu, vous êtes des durs de durs et nous voilà à la fin. Et j’ai sauté les lobbies pétroliers qui encouragent le climato-scepticisme, les libertés individuelles suspendues à Toronto lors du G20, le fait que la pub habitue les gens à désirer avant d’avoir fini de consommer, mais assez c’est assez.

Que faire
Dans le scénario d’une crise écologique, la solution serait d’adopter une politique économique qui « réoriente une part de l’activité collective vers les occupations à moindre impact écologique et à plus grande utilité sociale — l’agriculture, l’éducation, la maîtrise de l’énergie, la santé, la culture… ». Lutte contre les privilèges de l’oligarchie, système financier socialisé et conséquemment inégalités drastiquement réduites. Il faut, soutient Hervé Kempf, que revienne à la nation « les fruits du travail commun, des sources d’énergies, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ».

La racine du pouvoir des oligarques est leur prétention à être plus compétents que le peuple. Kempf contre cet argumentaire avec « nous pouvons apprendre les uns des autres, par la conversation sur les grands enjeux ».

C’est drôle, mais ça me fait penser à ces conversations de déjeuners qui mêlent travailleurs et retraités dans les restaurants. Serions-nous dans la bonne direction sans le savoir ?

Hervé Kempf est journaliste au quotidien Le Monde. Ce livre, de 183 pages, au coût de 21.95$, est édité aux Éditions du Seuil et est disponible en librairie depuis janvier 2011.  L’auteur entreprend, au début de mai, une tournée québécoise.  Ce sont trois professeurs retraités qui organisent cette tournée. Trois conférences sont déjà prévues : le 2 mai dans la région de Québec, le 4 mai à Trois-Rivières et le 5 mai à Montréal.  On peut obtenir plus de détails : http://jyp.byethost22.com/kempf/index.php

 

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