Le monde aime mieux Hermann Mathieu !
Par: Rolland Bouffard, collaboration spéciale

Écusson, armoiries du Séminaire, porté sur le blazer pour suivre les cours, que portait évidemment Hermann Mathieu
Par : Rolland Bouffard, collaboration spéciale.
J’ai connu Hermann Mathieu au collège de Saint-Victor, alors que j’étais étudiant dans les années 1962 – 1963. Herman abandonne ses études vers l’âge de 15 ans, il travaille sur des fermes agricoles, exerce le métier de bûcheron et de chauffeur de camion.
À 25 ans, il reprend ses études en s’inscrivant au cours classique au Séminaire de Saint-Victor. Il est pensionnaire. Il est le plus vieux de notre groupe. Contrairement aux jeunes que nous sommes, il possède une belle Buick 1960 bleu foncé et il a le privilège de la stationner dans un des garages du Séminaire. Il l’utilise, quand il sort en vacances comme nous, à Noël, à Pâques et à la fin de l’année, pour aller dans son village de Saint-Éphrem.
En 1979, alors que j’habite à Rouyn-Noranda, j’achète le journal La Presse et en première page, le journaliste titre : « Une convention d’une ampleur sans précédent. Beauce-Sud : Les libéraux choisissent Mathieu ». Le Journal de Montréal annonce aussi cette nouvelle dans un long article de Normand Girard. J’ai gardé une copie de ces journaux dans mes archives.
Élection partielle en vue, une convention d’une ampleur sans précédent !
Le député créditiste, Fabien Roy, expulsé de son parti, se fait élire sous la bannière du Parti National Populaire avec Jérôme Choquette à l’élection de 1976. Plus tard, il annonce qu’il quitte son poste de député provincial pour se présenter Chef du Parti Crédit social du Canada et affronter le Premier ministre Pierre Eliott Trudeau et Joe Clark du Parti Conservateur, à l’élection fédérale du 22 mai 1979. Le Premier ministre Trudeau est battu, Joe Clark est élu minoritaire et le député Roy de Beauce se retrouve avec la balance du pouvoir à Ottawa ! ! !
Cette situation donne naissance à une course d’une ampleur sans précédent pour le poste de candidat libéral à une élection partielle dans Beauce-Sud.

Une convention d’une ampleur sans précédent. Le PLQ de Beauce-Sud, passe de 600 membres à 7,144 membres
Le monde aime mieux Hermann Mathieu, analogie à la chanson de Clémence Desrochers. Le monde aime mieux Merveille Mathieu. On chante ça à l’occasion de l’élection du notaire Hermann Mathieu de Saint-Éphrem dans le comté de Beauce Sud.
Le journaliste du journal La Presse du 6 août 1979, Daniel L’Heureux, écrit : « C’est le notaire Hermann Mathieu qui a été choisi candidat libéral dans le comté de Beauce-Sud à l’occasion d’une convention d’une ampleur absolument exceptionnelle où 4 762 militants ont exprimé leur droit de vote.
M. Mathieu a recueilli 2 775 votes, obtenant ainsi une majorité de quelque 800 voix sur son unique adversaire, M. Robert Dutil.
Mais au-delà du choix du candidat, c’est l’ampleur de l’événement qui retient surtout l’attention; par le nombre de participants, cette assemblée pour le choix d’un candidat libéral est vraisemblablement sans précédent dans l’histoire politique québécoise.
Dynamisme de vente exceptionnel
Cette participation exceptionnelle à l’assemblée d’hier s’explique, faut-il dire, par la singulière détermination des deux candidats en présence, lesquels ont vendu le nombre de cartes de membres nécessaires pour faire passer le membership du PLQ dans Beauce-Sud, de 600 qu’il était il y a quelques mois à 7 144. Ce qui fait de Beauce-Sud le comté où le PLQ détient le plus grand nombre de membres.
Les petites gens
Le candidat Mathieu se dit préoccupé par “les petites gens”. Le chef du parti, M. Claude Ryan, qui assistait à l’assemblée, livrant un discours quelques minutes avant l’ouverture du scrutin, s’est efforcé de tenir des propos essentiellement neutres tout en terminant sur une note que certains ont perçue comme un appui subtil à M. Mathieu, soutenant que “le Parti libéral avait connu des moments glorieux quand il s’était tenu près du peuple”. Quand il a félicité M. Mathieu pour son élection, M. Ryan a souligné les préoccupations de celui-ci “pour les petites gens”.
Le journaliste de La Presse termine son texte ainsi : “C’est par ailleurs ce soir que se tiendra au même endroit, à Saint-Georges-de-Beauce, la convention pour le choix d’un candidat du Parti québécois, événement qui suscite cependant moins de suspense puisqu’il n’y a qu’un seul candidat sur les rangs, un jeune industriel, M. Raymond Boisvert.”
Le journaliste Normand Girard à son tour.

Hermann et son épouse Le Journal de Montréal, article de Normand Girard, le 6 août 1979. (Numérisée, Rolland Bouffard)
Le journaliste, Normand Girard, dans le Journal de Montréal écrit : “Parce que les Beaucerons, c’est bien connu, ne comptent que sur eux-mêmes et ne font jamais les choses comme les autres.
Ils en ont donné une preuve supplémentaire hier soir, à notre point de vue, lorsqu’après le déroulement du scrutin ‘exceptionnel’ de l’après-midi, le candidat défait, Robert Dutil, s’est empressé de se rallier au vainqueur dans des termes peu coutumiers en politique”.
“Je félicite M. Mathieu, dit-il, et nous serons deux ensembles à faire la campagne. Aucun membre du Parti québécois ne pourra prétendre qu’il y a scission chez les libéraux de Beauce-Sud”.
Moment émouvant
Le moment le plus émouvant de cette soirée a cependant été celui à l’occasion duquel le jeune homme d’affaires de 29 ans qu’est Robert Dutil a signalé à l’auditoire, sanglots dans la voix et larmes à l’œil, le décès tragique de l’un de ses plus proches collaborateurs.
On dit souvent que tout est dans la manière de faire les choses, n’est-ce pas ? Une fois de plus, Robert Dutil a donné la mesure des Beaucerons. “On comprendra, dit-il en substance, que je ne pourrai pas me mettre au travail derrière M. Mathieu dès demain matin”.
“Cet après-midi, l’un de mes organisateurs, J.-Guy Maheux, s’est tué dans un accident d’automobile. Je travaillais en sa compagnie depuis un mois. Dès que je serai remis du choc, je me remettrai à travailler”.
Bref, tout y était dans cette convention : chaleur, suspense, émotivité et tragédie, sans parler des orages et de la pluie qui refaisaient à leur manière une toilette et une beauté à cette vallée de la Chaudière ».
Élection partielle
Hermann est élu à l’élection partielle du 14 novembre 1979. Il quitte en 1985 pour retourner à la pratique du notariat à Saint-Éphrem-de-Beauce. Robert Dutil est élu de 1985 à 1994 et de 2008 à 2014.
Les élections, ce n’est plus pareil
C’était la belle époque de la politique. Des dizaines de bénévoles se dévouaient pour soutenir leur candidat. Une campagne électorale était une partie de plaisir, un festival, les gens s’amusaient. On pouvait faire livrer un « truck » de bière dans une remise pour distribuer, en compensation, aux travailleurs d’élections de tout le comté. Il était de pratique courante de remplir des autobus scolaires pour amener les supporteurs d’un candidat au bureau de scrutin.
C’était aisé de faire entrer 400 personnes dans une salle pour un discours électoral. Aujourd’hui, avec les moyens de communication modernes, Internet, Facebook, c’est un succès de réunir 40 personnes pour une soirée électorale.
Les campagnes électorales ont bien changé. Maintenant, toutes les dépenses sont contrôlées. Des formulaires à compléter, de la paperasse à gérer, on ne peut plus dépenser une piastre sans faire rapport au directeur général des élections. Des fonctionnaires doivent vérifier les frais d’un bénévole pour le simple achat d’un carnet de timbres… Vendre 7 000 cartes de membres en quelques mois dans un comté, on risque de ne plus revoir un tel exploit.
Le monde n’est plus pareil !
Un ver d’oreille
Pour entendre la chanson de Clémence Desrochers, voici le lien :