Il y aura bientôt 50 ans, j’ai voté pour le logo de la FTQ !
Par: Rolland Bouffard : collaboration spéciale
Par : Rolland Bouffard, collaboration spéciale

Le symbole de la Fédération des travailleurs du Québec, adopté lors du congrès des membres de 1967. (Cahier de présentation. Numérisation: Rolland Bouffard)
En 1967, c’est l’année de l’Expo à Montréal. En octobre, la FTQ (Fédération des travailleurs du Québec) y tient son congrès au nouvel Hôtel Bonaventure tout neuf. J’ai 20 ans, j’y suis. À l’occasion de son 10e congrès, la FTQ se donne un nouveau symbole : la flèche verticale et le disque rouge. J’ai gardé en archive des documents de ce congrès au fond d’un tiroir dans un classeur.
Au cours des années 1960, Montréal est prospère, on construit des édifices en hauteur, Jean Drapeau donne aux Montréalais, le Métro, l’Expo et plus tard, les Expos. Montréal est la métropole du Canada, elle rayonne sur tout le pays, d’un Atlantique à l’autre, comme le déclarait un conférencier lors d’un ardent discours. Sa rivale est Winnipeg, une ville industrielle, financière, et un centre ferroviaire important.
Après les années d’euphorie, Montréal perd le titre de métropole du Canada au profit de Toronto, qui à l’époque n’est qu’un village où les bars ferment avant minuit. Au début des années 1970, suite à la montée du syndicalisme, apparaissent des mouvements de grèves. La montée du nationalisme provoque de l’agitation civile. Le terrorisme, les bombes du FLQ (Front de libération du Québec) déposées dans les boîtes aux lettres ou dans les entreprises font des dizaines de blessés en explosant et des milliers de dollars de dommages. Les conséquences : Plusieurs organisations nous quittent pour d’autres provinces.
Les temps ont bien changé depuis cinquante ans.
Comment en suis-je arrivé au congrès de la FTQ ?
Après une année de cours classique au Séminaire de Saint-Victor, je n’étais pas très fort en latin, je quitte le séminaire pour m’inscrire au collège de Saint-Romuald pour compléter ma neuvième année générale. Après, j’arrête d’aller à l’école, comme on disait dans le temps. Aujourd’hui, le vocabulaire a évolué, on appelle ça un décrocheur.
Duplessis disait : « L’instruction, c’est comme la boisson, y en a qui portent pas ça… ! ». J’ai peut-être retenu cette citation, je suis allé sur le marché du travail.
Par la suite, j’assiste à des formations, je lis les journaux, je suis abonné à plusieurs magazines, en français ou en anglais, ma boîte aux lettres est toujours pleine de revues, et j’apprends sur le tas.
Mon premier emploi d’été à 15 ans sur une ferme laitière, je l’ai vécu à faire les foins, à trimballer 17 000 balles de foin au cours de la saison.
Après, je trouve un emploi chez un manufacturier de malles de voyage à Lévis. Lors de l’entrevue d’embauche, je change ma date de naissance pour me vieillir d’un an. Ce n’est pas compliqué à cette époque, pas de documents officiels à fournir. Le taux horaire est de 0,70 $ l’heure (45 heures par semaine), et payé « cash » dans une enveloppe distribuée par le contremaître le vendredi après-midi. Plus tard, après avoir atteint l’âge de 16 ans, je rencontre la secrétaire aux ressources humaines de l’entreprise et l’avise qu’il pourrait y avoir eu erreur sur ma date de naissance, ce qu’elle corrige sans complication.
Quelques années plus tard, je quitte cet employeur pour travailler pendant plus de trente-cinq ans pour des institutions financières. Bien entendu, je n’ai jamais inscrit mon expérience syndicale dans mon C.V., les institutions financières n’étant pas syndiquées pour la plupart.
Une accréditation syndicale
Après une couple d’années chez le manufacturier de valises, il est question de faire entrer un syndicat dans cette entreprise d’une centaine d’employés. Des recruteurs me font signer une carte de membre avec l’Union des Ouvriers-unis des textiles d’Amérique, affilié à la FTQ. Une accréditation est obtenue pour négocier une première convention collective avec l’entreprise. Mais voilà que les dirigeants de la compagnie proposent un syndicat de boutique.
Lors d’une assemblée contradictoire, convoquée par l’entreprise, je pose des questions. Finalement, après quelques jours, la compagnie consent à négocier avec le syndicat qui a déjà obtenu la première accréditation. Quand on pose des questions dans une assemblée, on est ciblé et quand vient le temps d’élire un comité exécutif, on propose les parleurs. On a beau dire non, non, les autres disent oui, oui et on se retrouve à un poste. J’hérite du poste de secrétaire-trésorier.
Le congrès de la FTQ en 1967
Je n’ai pas encore atteint l’âge de la majorité, qui est 21 ans à cette époque, je suis délégué au congrès de la FTQ à l’automne 1967, avec un compte de dépenses sur présentation de reçus. Pour coucher : une chambre, louée sur la rue Aylmer à Montréal, coûte 5,00 $ la nuit. Au congrès, je rencontre des gens qui viennent de la Beauce. Ils sont membres de l’Union Internationale des travailleurs en boulangerie et en confiserie d’Amérique représentant le syndicat des Gâteaux Vachon…
Le congrès se déroule du mercredi au samedi. Ti-Louis Laberge est président et est réélu pour un deuxième mandat au cours du congrès. Un représentant du Cardinal Léger prononce un discours de bienvenue devant les congressistes, il donne sa bénédiction à l’assistance et prédit un bon déroulement du congrès. Pendant ces quatre jours, il faut traiter plus de 300 résolutions inscrites au cahier. (Quelques-unes des résolutions les plus originales sont reproduites à la fin de ce texte).
Au cours des années 1960, c’est la mode pour les organisations de s’identifier par un pictogramme. Lors du congrès, les dirigeants présentent le nouveau logo de la FTQ (Fédération des travailleurs du Québec) et en proposent l’adoption, ce qui est fait à l’unanimité par les membres.
Définition : Le symbole de la FTQ est constitué d’une flèche dirigée vers le haut et surmontée d’un disque. Il représente en même temps le travailleur et le mouvement convergent des militants de base vers leur centrale. Le mouvement ascendant de la flèche suggère également l’aspiration à un relèvement constant du niveau de vie rendu possible par la force que représente le disque parfait de la solidarité des travailleurs. Enfin, le rouge est la couleur associée à la revendication et à l’action.
Un conférencier du NPD
Durant les quatre jours de congrès, des conférenciers défilent devant le micro afin de présenter différents sujets aux 1 200 délégués. Le jeudi après-midi, un avocat de la Beauce se présente. Il est le président du NPD, (Nouveau Parti Démocratique), un parti politique supporté financièrement par les centrales syndicales. Robert Cliche s’installe sur l’estrade et se laisse aller dans un discours à l’emporte-pièce, utilisant un vocabulaire imagé, les bras en l’air, tel un danseur de Samba, il s’efforce de convaincre l’auditoire des bienfaits d’un parti qui représente les travailleurs et finalement, il propose d’augmenter substantiellement la cotisation au financement du NPD qui a bien besoin d’argent.
La salle est conquise et vote pour la résolution #126 à l’unanimité ! (Une copie de la résolution est reproduite à la fin de cet article.)
C’est le même avocat Cliche, devenu juge, qui, quelques années plus tard, est nommé par le premier ministre Robert Bourassa pour présider une enquête sur l’industrie de la construction impliquant la FTQ… Il est accompagné de l’avocat Brian Mulroney, du syndicaliste Guy Chevrette et l’avocat Lucien Bouchard agit à titre de secrétaire.
J’ai retenu cinq résolutions parmi les trois cents pour leur originalité, et je les ai numérisées à partir du cahier des résolutions. Bien entendu, nous sommes en 1967. Les sujets ont un peu changé depuis.
Finalement, la résolution # 176 recommande que le salaire minimum soit fixé à 1.75$ l’heure et que le nombre maximum d’heures de travail hebdomadaire soit fixé à quarante-cinq (45).