POUR SE PRÉPARER AU MOIS DES MORTS
Les frères Giguère, entrepreneurs funéraires
Par: André Garant

Le 25 décembre 1921, le corbillard blanc des enfants glisse sur la neige de la 1re avenue à Saint-Georges-de-Beauce. Le cortège funèbre du jeune Marcel Rhéaume, l’aîné de l’hôtelier Albéric Rhéaume et de Marie-Jeanne Lemay, se dirige vers l’église de la rive ouest. Le petit gars de presque 6 ans est né le 10 février 1916 et décédait le 23 décembre 1921.
Par André Garant
Il y a bientôt 80 ans… Le 27 décembre 1934, J. Aimé Giguère (1910-1980) obtient son permis de morgue, comme on disait jadis, ou plutôt son permis officiel d’opérer un salon funéraire. Peu après, l’équipe se composera de Gérard (1911-1979) et d’Antonio Giguère (1907-1983).
Depuis 1980, seul le Collège de Rosemont, à Montréal, offre sur trois ans les techniques en thanatologie. On est loin des croque-morts.
Au fil des ans, paraît-il que plus de 80 % des monuments funéraires de la Beauce ont été fabriqués à Beauceville. Aussi, de nos jours, près de 40 % des défunts se font incinérer.
Enfin, visiter un cimetière ou un columbarium ne fait pas mourir ! De plus, ne faut-il pas entretenir nos monuments funéraires familiaux : jet de sable, lettrage. Le registre du cimetière paroissial contient-il le nom du propriétaire ou plutôt du locataire du lot…, et non les noms des défunts ? Un devoir de mémoire…
« Sortant du corps, avant de paraître devant Dieu, l’âme va directement se laver dans un petit vase d’eau déposé près du lit. Aussi, quand on voit de belles étoiles filantes, ce sont des âmes du purgatoire qui ont justement été levées. » (Rites de la mort dans la Beauce, Madeleine Doyon)
Autrefois, pour un conjoint, le deuil se manifestait pendant six mois. Souvenir du brassard noir, du voile noir au chapeau féminin et de la couronne à la porte. Personnellement, mon grand-père William Garant est décédé à Saint-Georges en 1950 et exposé dans son salon familial. Aussi, un voisin, mort en 1955, à 19 ans, fut aussi exposé chez lui. Dernier reliquat d‘une mode funéraire en perte de vitesse.
La mère de Gilles Vigneault disait : « C’est le temps où l’on vivait toute sa vie, c’est le temps où l’on mourait toute sa mort. »
Beauceville
Vers 1905, l’ex-forgeron Philéas Larochelle à Damase fabrique des cercueils et loue des corbillards. Autrefois, la maison de Georges Jolicoeur (580, boulevard Renault) sert de petit salon funéraire. On se rappelle aussi que la résidence de Georges Poulin à Georges (1893-1953) pouvait accueillir des morts sur les planches. De 1935 à 1953, M. Poulin est également gérant de la Caisse Populaire de Beauceville.
Aussi, en 1907, près de la voie ferrée de l’est de Beauceville, Arsène Gosselin (1872-1946), époux d’Elmire Brunet, bâtit un petit atelier de monuments funéraires, unique en Beauce à cette époque. Pendant plusieurs années, ses fils Omer (1899-1949) et Émilien Gosselin (1903-1940) sont des collaborateurs de l’entreprise familiale. Ce réputé atelier engage jusqu’à dix-sept employés. La pierre est importée de Saint-Samuel, Ottawa, Rivière-à-Pierre, Stanstead, Cap-Saint-Martin et du Nouveau-Brunswick.

Le cortège est parti de la maison du photographe Joël Poulin (1896-1961), voisine de l’Hôtel Morency à Saint-Georges. Face au barbier Amédée Carignan et à l’autre barbier Pierre Pépin, côtoyant la Banque Royale, le corbillard porte le cercueil de son épouse, Marie Garant, née à Saint-Éphrem-de-Tring le 25 septembre 1888 et décédée le 27 avril 1943 à Saint-Georges. Marie est la sœur de mon grand-père William Garant (1890-1950). (Archives d’André Garant)
Pendant un certain temps, l’entreprise est connue sous le nom de Gosselin et Caron. Le 26 novembre 1951, Conrad Caron (1923-) acquiert la petite industrie de Gosselin. Au fil des ans, le territoire desservi s’élargit. Ainsi, plus de 80 % des monuments funéraires de la Beauce ont été fabriqués à Beauceville. De nos jours, près de 40 % des défunts se font incinérer. Conrad Caron et fils produit environ 450 monuments par année. En 1973, le monument de l’ex-premier ministre du Canada, Louis S. Saint-Laurent, est l’œuvre des Caron ; en 1980, celui de l’ex-premier ministre du Québec, Jean Lesage, est façonné aussi à Beauceville.
Le 24 avril 1984, Conrad Caron et fils inc. est immatriculé ; avec plus de 40 ans d’expérience, Réjean Caron (1950-) en est le vice-président. Le fils d’André Caron, trésorier (1958-) et Sylvain assure la relève.
Giguère et frère, Beauceville
Antonio (1907-1983), Joseph-Aimé (1910-1980) et Gérard (1911-1979) sont les fils du marchand Gédéon Giguère (1873-1954) et d’Amélande Gagnon (1876-1959) de Sainte-Germaine de Dorchester. Le 27 décembre 1934, J.-Aimé Giguère obtient son permis de morgue. En janvier 1938, J.Aimé et son frère Antonio Giguère fondent Giguère et frère à Beauceville. En 1940, Giguère et Frère ouvre une succursale à Lac-Etchemin de Dorchester. Gérard Giguère en est le directeur. Peu après, en 1942, Gérard Giguère en devient l’unique propriétaire. En 1943, Gérard prend le poste de Beauceville et est remplacé à Lac-Etchemin par J.-Arthur Ouellet.
En 1938, Gérard Giguère s’installe dans la propriété du Beaucevillois Georges Poulin (1893-1953) à Georges, époux de Marie Roy. En 1944, il construit et inaugure, au bas de la route 108, dite Côte de l’hôpital, le premier salon funéraire en Beauce.
Le créateur du fameux catafalque
D’autre part, en 1886, Omer Létourneau (1862-1935) établit le premier salon funéraire à Saint-Joseph-de-Beauce. En 1920, M. Létourneau est l’auteur du fameux catafalque à grand baldaquin, de l’église de Saint-Joseph-de-Beauce. De 1935 à son décès le 11 juin 1962, Émilien Létourneau (1902-1962) assure la relève de son père. En 1963, Armand Plante (1929-1973), époux de Lorraine Cloutier, achète le Funérarium Létourneau.

En 1946, à Saint-Georges-Ouest, la levée du corps de Wenceslas Talbot (1869-1946), époux de Caroline Veilleux (1875-1961) et père du renommé généalogiste, le Frère Mariste, Éloi-Gérard Talbot (1899-1976).
Enfin, au décès de son beau-frère Armand Plante, Gérald Cloutier donne son appui à sa sœur Lorraine Cloutier. En 1978, Gérald Cloutier (1941-2003), thanatologue, devient directeur des funérailles de la Maison Gérard Giguère enr.
Suite au décès accidentel de Gérald Cloutier, en janvier 2004, cette prospère entreprise beaucevilloise rejoint les rangs de Roy-Giguère.
Saint-Georges-de-Beauce
À Saint-Georges-de-Beauce, le 27 décembre 1934, J. Aimé Giguère obtient son permis d’opérer un salon mortuaire. Il ouvre alors son entreprise sur la 1re avenue Est, dans la résidence d’Albert Rodrigue. De 1938 à 1942, J.-Aimé et son frère Antonio sont copropriétaires des Salons Giguère et frère de Beauceville et de Saint-Georges. En 1942, Antonio se retire des commerces funéraires de Beauceville et de Saint-Georges ; J.Aimé Giguère devient le propriétaire unique. En 1950, les entrepôts brûlent et, en 1955, J. Aimé construit deux salons funéraires sur la 1re avenue (futur atelier du journal L’Éclaireur-Progrès).
Né en 1926 à Saint-Félix-de-Kingsey, Gilles Courchesne travaille pendant cinq ans, à temps partiel, dans un salon funéraire de Drummondville. En 1959, M. Courchesne devient le nouveau propriétaire de Giguère et frère de Saint-Georges. Le 28 décembre 1959, L’Éclaireur annonce la gratuité du service ambulancier « aller-retour des malades de Saint-Georges à l’hôpital local… »
De Gédéon Roy à La maison Roy-Giguère
D’autre part, en 1890, Gédéon Roy (1870-1953) fonde la Maison funéraire Gédéon Roy. Jadis, les chevaux noir jais, la Belle et la Petite, de mon grand-père Alfred Bourque (1890-1970) du rang des Carreaux, étaient attelés au corbillard. En 1900, Gédéon Roy achète son premier corbillard et en 1918 la première ambulance automobile de la Beauce. En 1921, M. Roy devient le premier embaumeur de la Beauce. En 1932, Eugène Veilleux (1908-1980) entre à l’emploi de Gédéon Roy. Deux ans plus tard, M. Veilleux obtient son diplôme d’embaumeur.

Le premier local de Giguère et frère, voisin de l’édifice Édouard Lacroix, sur la 1re avenue Est à Saint-Georges.
(Photo:Histoire de Saint-Georges de Beauce, R.Vézina et P.Angers, 1935)
En 1948, le premier vrai salon funéraire de Saint-Georges est sis au 2550, 1re Avenue Ouest. Qu’en est-il du Salon de Giguère et frère, ouvert en 1944 à Beauceville ? En 1950, gendre de Gédéon Roy, Eugène Veilleux prend la relève. À cette époque, on expose encore des défunts dans le salon familial.
En 1982, la Maison Gédéon Roy inc. et la Maison Giguère & frères inc. fusionnent, sous la présidence de Louis-René Veilleux (1942-1998), entré en service en 1960, thanatologue en 1964, et président en 1976.
L’expansion pointe : Saint-Benjamin, Saint-Benoît-Labre, Saint-Martin, Saint-Honoré-de-Shenley et Saint-Gédéon. Le premier columbarium voit le jour en 1990. Enfin, en août 1999, l’épouse de Louis-René Veilleux, Colette Bourque et ses enfants, René et Catherine Veilleux inaugurent le Parc commémoratif Chaudière-Appalaches.

Le cimetière de la paroisse georgienne de L’Assomption, vers 1955. (Archives d’André Garant, photo de Rosaire Gamache)
Il est intéressant de jeter un coup d’œil sur cet instructif tableau généalogique : http://www.royetgiguere.com/genealogie.php
« Le temps passe, nous aussi. » (Félix Leclerc)
GIGUÈRE
Jean Giguère (-1630) / 26 juillet 1599, Tourouve, Saint-Aubin, France / Michelle Journel (Jean Journel et ?)
Robert Giguère (1616-1709) / 2 juillet 1652, Notre-Dame, Québec / Aimée Miville (1635-1713) (Pierre Miville dit le Suisse et Charlotte Maugis). Émigration en Nouvelle-France en 1644.
Joseph Giguère (1673-1741) / 11 nov. 1698, Sainte-Anne-de-Beaupré / Angélique Mercier (1677-1739) (Julien Mercier et Marie Poulin)
Chrétien Giguère (1707-1788) / 24 nov. 1732, Sainte-Anne-de-Beaupré / Dorothée Racine (1715-1766) (Claude Racine et Geneviève Gagnon)
Claude Giguère (1744-1808) / 28 janvier 1771, Sainte-Anne-de-Beaupré / Judith Guimond (1748-1824) (Louis Guimond et Marie-Anne Lessard)
Ignace Giguère (1777-1860) / 3 oct. 1808, Saint-Joseph, Beauce / Marguerite Cliche (1785-1831) (Jean-Baptiste Cliche et Geneviève Bourbeau)
Narcisse Giguère (1808-1875) / 25 oct. 1825, Saint-Joseph, Beauce / Théotiste Doyon (1809-1852) (Claude Doyon et Catherine Nadeau)
Richard Giguère (1842-1922) / 8 janvier 1861, Saint-Joseph, Beauce / Joséphine Doyon (1842-1885) (Jean Doyon et Théotiste Vachon)
Gédéon Giguère (1873-1954) / 22 janvier 1894, Sainte-Germaine, Lac-Etchemin / Amélande Gagnon (1876-1959) (Pierre Gagnon et Angèle Laflamme).
Enfants : Gédéon (1894-1937), Léonidas (1896-1972), Joséphine (1897-1976), Ernest (1899-1956, père de Marie-Paule Giguère de l’Armée de Marie), Rosaire (1900-1974, prêtre), Candide (1903-2001), Ovide (1904-1965), Maria (1908-1977), Joseph-Aimé (1910-1980), Antonio (1907-1983), Gérard (1911-1979), Laurentia (1916-2002), Henri-Paul dit Paul (1918-1987, ex-maire de Beauceville).
Joseph-Aimé Giguère (1910-1980) / 11 mai 1938, Saint-Georges, Beauce / Imelda Gilbert (1910-2000) (Adalbert Gilbert et Corinne Mathieu). Enfants : Lyse, Guy (1940-1974), Maude (1944-2010), Raymond.
André Garant
Sources :
Ancestry.ca
André Garant, archives personnelles
BMS2000
Fichier Origine
Historique internet de la Maison Roy-Giguère
Journal L’Éclaireur-Progrès